lundi 9 juin 2008

Bringing it all back home.

Un jour, tout le monde s'en est allé. Alors, il a bien fallu s'en aller aussi. Et même si ça faisait une bonne dizaine de jours que le refrain "That's so weird" résonnait dans tous les coins, personne n'y était vraiment préparé.
Personne, surtout pas moi, ni Barbara d'ailleurs, qui avons poussé le vice jusqu'à réserver nos billets de retour moins d'une semaine avant le retour en question (après avoir passé trois semaines à repousser l'échéance, la procrastination étant un art qui se travaille). Pourtant les gens partaient petit à petit, au compte goutte, d'abord Simon-le-Chicagoan, qui s'est envolé trois semaines avant tout le monde, ensuite Jordi-le-Catalan, qui a pris la route fin mai, puis Megan qui était partie d'Atlanta en janvier et a quitté notre appart' pour Raleigh où sa famille a déménagé entre temps, et sûrement plein d'autres que j'oublie. Mais tant qu'on est encore là... on est encore là. Jusqu'à ce qu'on n'y soit plus, parce qu'on n'a pas réussi à oublier qu'il fallait rendre les chambres le 7 juin, 10h, au plus tard (gageons que le campus ne nous aurait pas laissé l'oublier, de toute façon).

Alors il faut ranger, aspirer, nettoyer, remettre les meubles à leur place de départ, déshabiller les murs, vider les placards, piller les frigo, dépouiller les réfrigérateurs, gaver gaver gaver gaver les valises. Et puis amonceller les sac poubelles, bourrés à craquer de tout ce que les valises refusent d'avaler, c'est-à-dire beaucoup de choses ; d'ailleurs, tout d'un coup, une zone d'ombre a été levée sur le mystérieux comportement de la femme de ménage.

*** Tiens, je vais en profiter pour faire une petite digression sur la femme de ménage. Enfin, la Cleaning Lady, avec des majuscules s'il-vous-plaît ! La Cleaning Lady est une petite femme toute menue, plus toute jeune mais pas encore trop veille, aux cheveux blondasses coupés courts et vêtue d'un uniforme bleu marine de cleaning lady. Tous les mercredi matins, juste après le (toujours, même après 8 mois) terrifiant test-alarme-incendie de 10 secondes, elle vient "nettoyer" la cuisine, les toilettes, la salle de bain et les escaliers. Alors, elle nettoie, oui, bien sûr, la preuve, ça pue l'eau de javel (et la cigarette, aussi) à 300m à la ronde après son départ. Mais elle nettoie à sa façon c'est-à-dire qu'elle amène son balais et son seau, et puis elle amène son journal, et son paquet de cigarettes, et elle commence par s'asseoir dans les escalier, poser son balais et son seau sur une marche, et fumer une première cigarette. Si on passe, elle se pousse un peu pour laisser la place, elle dit gentiment et avec un grand sourire "Hi there dear how's't goin'" (à peu près), et voilà. Parce qu'elle ne peut pas vraiment fumer dans les appart', vous comprenez, les détecteurs de fumée, tout ça. Mais comme les marches, c'est moyennement confortable, elle fini par se rendre dans l'appart, et s'asseoir dans le canapé pour lire son journal. Bien sûr, si quelqu'un rentre dans la pièce à ce moment, elle se lêve et s'empresse de commencer à nettoyer, en engageant très gentiment et avec un grand sourire la conversation (malheureusement, comprendre la Cleaning Lady est un art délicat, que 8 mois ne suffisent guère à maîtriser ; les conversations sont donc souvent assez brêves et confuses). Une fois qu'elle a fini de nettoyer la cuisine (qui n'est vaiment propre que parce que quelqu'un a déjà passé le balais la veille au soir), elle passe aux toilettes, puis à la salle de bain, et finalement, s'en va. Parfois s'ensuit une perplexité chez les locataires de l'appart' : mais, qui donc est sous la douche, puisque nous sommes toutes là? Réponse, vous l'aurez deviné, personne, la Cleaning Lady a juste oublié de fermer le robinet.
Chaque semaine, elle laisse une trace de son passage. Un cadeau, en quelque sorte, même si c'est toujours le même : deux feuilles de papier aluminium pour le grill, et 8 sacs poubelles. Sachant qu'on en utilise en moyenne 3 ou 4 par semaine, je vous laisse calculer le nombre de sac poubelle dans nle palacard sous l'évier à la fin de l'année. Fin de la digression, car sur ce... ***

Nous avons donc compris pourquoi la femme de ménage laissait autant de sacs poubelle chaque semaine : elle savait qu'à un moment donné, nous aurions besoin de très largement dépasser notre consommation moyenne habituelle de sacs poubelles, parce que nous aurions beaucoup, beaucoup à jeter. Elle avait raison (même si elle l'a pas fait exprès, mais ça, Dieu seul le sait, et encore, c'est même pas sûr), et au moins, nous avons éviter le stress de la pénurie de sacs poubelle. Faut dire qu'on n'en avait pas besoin. Par contre, les trois survivantes que nous étions ont eu besoin d'un pack de glace Bohemian Raspberry de chez Ben & Jerry, de deux bouteilles de vin blanc et d'une de Corona comme anesthésiants pour venir à bout de cette orgie de balançage de 8 mois de vie dans des valises et/ou des poubelles. Précisons que Barbara et moi n'avons rien trouvé de mieux à faire pour occuper la moitié de la soirée, que de peindre une assiette et de discuter politique et philosophie au milieu des débris de cette hécatombe de souvenirs. (Eva, elle, est restée un peu plus maîtresse de ses sens, et s'est contentée pour l'essentiel de nous regarder, amusée, en se disant sans doute qu'elle ne retrouverait pas de sitôt des colocataires de ce genre, ne serait-ce que parce qu'elle n'a pas prévu de se remettre en colocation. Et puis aussi, Eva devait quitter l'appart à 3h30, pour prendre un avion qui décollait à 6h15, elle avait donc beaucoup moins de temps. Même si ce n'est pas la peine de faire semblant, elle est organisationellement beaucoup moins catastrophique que Barbara et moi, c'est certain).

Le lendemain matin, par contre, comme le vin blanc, la Corona et la glace s'étaient définitivement évaporé, était beaucoup moins drôle, parce qu'il ne restait plus que quelques bols entassés sur la table du salon, deux ou trois tasses restées ici histoire qu'on puisse boire un dernier thé avant le départ, et des sacs poubelles gisant à côté des valises - enfin bouclées- dans le couloir. Et Barbara encore ensommeillée, sur le point de se retrouver seule locataire de l'appartement déserté (première arrivée, dernière partie, même si juste à quelques heures prês les deux fois). Les flashbacks se bousculent, mais pas le temps pour eux, au-revoirs (pas trop longs, parce que mince, les au-revoirs, c'est jamais qu'une formalité - difficilement contournable - mais immanquablement douloureuse), "See you in Mongolia - no, I'll see you before that anyway! ", et balabambam les bagages dégringolent maladroitement les escaliers. [Ils étaient VRAIMENT trop lourds.]




Silence
VLADIMIR. - Ca a fait passer le temps.
ESTRAGON. - Il serait passé sans ça.
VLADIMIR. - Oui. Mais moins vite.

Un temps
ESTRAGON. - Qu'est-ce qu'on fait maintenant?
VLADIMIR. - Je ne sais pas.

- Samuel Beckett.

jeudi 29 mai 2008

I was tagged by Keisuke !

Je vous présente Keisuke Nakamura, amateur de kebab, organisateur occasionel de dîners multi-nationaux, et surtout photographe officieusement officiel des soirées estudiantines internationales de l'Université de Strathclyde de son état.


Keisuke Nakamura est Japonais, évidemment. Il est d'ailleurs le seul Japonais à étudier à Stratchlude cette année (ou alors, les autres s'il y en a sont extrêmement discrets), alors, il déploie tout ses efforts pour que son pays soit représenté à la mesure des autres. Pas facile, quand on doit être aussi présent à soi tout seul que, mettons, une cinquantaine de Français, autant de Chinois, une poignée de dizaines d'Espagnols, des grappes de Malaysiens, une vingtaine d'Américains et leur pendant Canadiens, une quinzaine d'Italiens, cinq représentants de chaque nation Scandinave, et j'en passe. Même les Luxembourgeois ont plus de représentants à Glasgow que le Japon, c'est dire. Impossible, même, me direz-vous? Que nenni ! Keisuke Nakamura relève tous les défis, voyons.

Et tout le monde connaît Keisuke Nakamura, sa dégaine de pantin dansant, son enthousiasme inextinguible, et, évidemment bien sûr par-dessus tout, son appareil photo. Tout le monde aime Keisuke Nakamura, parce que, ben, parce que, c'est pas facile de trouver une raison de ne pas aimer Keisuke Nakamura, qui en plus d'être toujours souriant, dynamique et sautillant, est aussi incroyablement généreux et hospitalier. Et aussi, probablement, un peu fou - mais d'une bonne folie. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que le Japon a trouvé un ambassadeur parfait.

Bon, il est vrai que cet ambassadeur ne fait pas grand chose pour arranger la réputation de photographes compulsifs qui colle à la peau des Japonais. Je ne me rappelle plus du nombre exact de photo qu'il a pris depuis son arrivée à Glasgow en Septembre (et, de toute façon, mon chiffre date d'au moins deux mois, autant dire qu'il est complètement périmé), mais ça se compte en dizaines de millier. Au moins. Voir Keisuke Nakamura sans son appareil phot à la mains est rare, et ne peut signifie que quatres choses : quelqu'un d'autre est en train de prendre la photo, Keisuke est occupé à cuisiner du wasabi ou des sushis pour quelques dizaines d'invités, Keisuke mange un Kebab d'après-soirée chez Best-Kebab (le rendez-vous glauqe des étudiants sortant des clubs à 3h du mat'), ou Keisuke charge les photos de la soirée précédentes sur Facebook (ce machin est devenu le centre de gravité de la vie des étudiants en transit, à un point que c'en est inquiétant, mais là n'est pas le sujet), et ajoute patiemment les noms de toutes les personnes présentes sur chaque photo.

C'est pour ça que Keisuke Nakamura a besoin de connaître tout le monde : il a besoin de tous les noms, pour pouvoir documenter toutes ses photos avec précision. Toutes, hein. Même ça :



(oui, quand je vous dis qu'il est sans doute un peu fou... )

Il ne fait pas non plus grand chose pour débarrasser les Nippons de leur réputation d'extrême politesse, tant il remercie tout le monde pour tout ; merci de venir à ma fête, merci de prendre cete photo pour moi pour que je puisse être dessus, merci de m'envoyer un message, merci de me remercier ! (et, entendez bien que je ne m'en plains absolument pas. Au contraire, je ne vois pas pourquoi il ne faudra pas que les Nippons conservent et soignent cette réputation.) Qui voulait une preuve que les Japonais ne sont pas perfectionnistes sera aussi déçu, tant tout ce qu'il organise doit l'être à la perfection, et de façon on ne pleu plus claire, précise et détaillée. Et qui pensais que les Japonais n'étaient pas hospitaliers ne trouvera pas de quoi étayer sa thèse ici, parce que non seulement, Keisuke n'aime rien tant qu'inviter les gens chez lui, mais en plus il a toujours deux ou trois bricoles à leur offrir en signe d'amitié. Une pièce de 5 yens par-ci, des baguettes en laque par-là. Et Auld Lang Syne joué sur une flûte de cornemuse en guise d'Adieu(ou, plutôt, d'Au-revoir, d'ailleurs, Auld Lang Syne, en Français, ça se dit Ce n'est qu'un Au-revoir, alors...).

Sinon, Keisuke Nakamura aime Material Girl de Madonna.

Bon, et puis, un jour, dans quelques années, sans doute, il y aura des gens qui seront moins contents qu'ils le sont aujourd'hui que toutes leurs soirées de débauche éthylée aient été documentées et que toutes les photos compromettantes aient été mises sur Internet, avec leur nom dessus. Et alors seulement, sans doute se trouvera-t-il une poignée de personnes pour détester Keisuke Nakamura... ou en tout cas, pour ne plus être si fiers d'avoir été "taggés par Keisuke".


dimanche 4 mai 2008

Des îles (hommage à Caledonian MacBrayne)



L'Ecosse est un pays très aqueux, et pas uniquement parce qu'il y pleut beaucoup et que la pluie abondante abreuve les torrents et cascades qui dévalent les collines et imbibe la terre et la tourbe, transformant les landes désolés en marécages spongieux. C'est aussi un pays déchiqueté, morcelé par des rivières, des lacs, des embouchures de rivières qui s'entremèlent et brouillent la frontière entre la terre et la mer. Toute la côté Ouest n'est qu'un agrégat de lambeaux de terre, qui ne tiennent qu'à un fil au "mainland" quand du moins ils y sont rattachés. 790 îles, dit Wikipedia. Oui, ça fait beaucoup... Skye, Rum, Mull, Sanday, Harris, Arran, Yell, Cumbrae, Eigg, Benbecula, Alisa Craigg, Barra, St. Kilda, Flodaigh, Foula, Gairsay, Isle of Ewe, Jura, Shetland, Orkney, Hebrides.... Beaucoup, je vous dit, et avec des noms qui n'ont rien à envier à ceux des gares écossaises.
On pourrait se lancer le défi insensé de les visiter toutes, mais je pense qu'il faudrait rester plus de 8 mois (en fait, plus de deux ans, si on compte une île par jour...). Donc, j'ai été plus raisonnable (snif snif), et j'ai fait avec ce que j'avais, c'est-à-dire que j'ai posé le pied sur quelques unes, à des endroits différents, et que mon palmarès, il faut bien l'avouer, fait pâle figure à côté de la liste interminable de toutes les îles : Bute, Arran, Lewis, Harris, Bernaray, North Huist, Skye, et... j'ai bien peur que la liste s'arrête là, pour l'instant du moins.

Pour atteindre ces îles, plus ou moins reculées (la distance entre Stornoway, la plus grande ville des Hébrides Extérieures, et la côte britannique est facilement deux fois plus longue que celle qui sépare Calais de Douvre), même si parfois on peut utiliser des ponts, comme le fameux pont de Kyle of Lochasch qui permet de rouler jusqu'à Skye (et qui était célèbre pour son péage prohibitif avant que celui-ci ne soit supprimé), il faut généralement renoncé aux méthodes de transports habituelles. Ou vraiment beaucoup aimer les marathons de natation dans l'eau glacée, c'est selon. Heureusement...

The Earth belongs unto the Lord
And all that it contains
Except the Kyles and the Western Isles
And they are all MacBrayne's

Heureusement, il y a Caledonian MacBrayne's ! Fondée en 1851, la compagnie possède 29 ferries et un monopole de fait sur le transport maritime en Ecosse (merci Aidepikiw)... et elle s'avère au moins aussi utilie que Citylink (bus) ou Scotrail (train), tant et si bien que quiconque a un peu bourlingué à travers l'Ecosse ne peut frémir avec nostalgie au passage d'un de ces mastodontes de métal peints en noir et blanc et à la cheminée décorée du blason rouge et or de la compagnie... (comment ça, j'en fais un peu trop?) En plus, les ferries sont sacrément confortables. Que demande le peuple...

Grâce à Caledonian MacBrayne, par exemple, j'ai vu ça :

et aussi ça :

et puis ça :

et ça :


et enfin ça :

(Oui, on pense aux Highlands quand on pense au paysages écossais, mais les Islands sont au moins autant superbement fascinantes : les pâturages de Bute, où, fait rare, on voit paître des vaches noires et blanches (et pô rousses !!), les landes sauvages et désolées qui bordent les magnifiques plages blanches et turquoises des Hébrides extérieurs, les massifs enneigés de Skye, les monolithes d'Arran, et toujours les vagues qui s'écrasent sur les récif ou au pied des falaises)

Il faudra que j'aille jeter un oeil aux Shetland, complètement isolées à des kilomètres de la pointe nord est de l'Ecosse, pour pouvoir dire que j'ai vraiment vu le bout du monde, mais en terme de bout du monde, Lewis, Harris et Bernaray (les Hébrides extérieures donc) se défendent mieux que bien. Si vous suivez un peu, vous savez que j'y suis allée pour quelques jours, parce que je l'ai évoqué plus haut, enfin, plus bas, bref, dans un message précédent de ce foutu blog. Et si vous suivez pas c'est pas grave (enfin, si, c'est très grave, d'ailleurs je suis diablement vexée, non mais, vous n'avez pas honte???), puisque je vous le répète ici. Je m'en vais vous raconter ça un peu plus en détail, puisqu'il faut choisir, même si choisir exige de renoncer à déblatérer sur la chaise-sur-un-rocher-face-à-la-mer de l'île d'Arran, sur laquelle on peut s'asseoir pour contempler la Mull of Kintyre en pensant à McCartney qui lui a écrit une chanson, ou sur les splendeurs victoriennes du manoir de Mount Stuart sur Bute, gâchées par le débit monocorde d'une guide qui fait comprendre d'où sorte les histoires de fantômes écossais (je suis sûre que c'est un fantôme, cette bonne femme, on jurerait qu'elle est morte, en tout cas endormi, et que sa bouche continue simplement à répéter les mots qu'elle a prononcé plusieurs fois chaque jour depuis.... depuis... depuis que la bâtisse est ouverte au public.)

Mais d'abord:

J'ai posé le décor, à peu près.

Les personnages, maintenant. Une (pas si?) fière équipée de six exilés, représentants trois continents ; Bruce & Elmer, Chine, pour l'Asie ; Michael (Indiana, US) & Barbara (Canada) pour l'Amérique, section boréale ; Morgane & moi-même, France, pour l'Europe.

Histoire de préciser la géographie et de définir l'itinéraire :

Tout commence à Ullapool, encore sur le mainland. De là, Ferry I nous conduira à Stornoway sur Lewis en 2h45. Puis, de Stornoway, les bus nous feront traverser l'île de Lewis pour aller admirer les Pierres de Callanish et les collines qui bordent la côte. Ils nous emmèneront plus tard sur Harris, où nos pieds termineront le boulot en nous faisant traverser les paysages lunaires qui nous séparent de Tarbert. Le périple longe ensuite la côte du sud d'Harris pour admirer Luskentyre et les autres plages intouchées de l'îles (qui feraient verdir d'envie les Caraïbes, si si, j'en suis sûre). Finalement, Ferry II nous transporte sur Berneray, tout petit bout d'île balayé par le vent où nous aurions bien passé le reste de nos jours, dans la chaumière blanche à cinq mètres de la plage et avec pour seule voisine une ruine éventrée où les meublex rouillent et grincent tristement. Mais Ferry III ne l'entend pas de cette oreille, et nous capture à Lochmaddy pour nous transférer à Uig, sur Skye, où un car nous attend pour nous ramener en 7h (arg) dans la grisaille, le béton et la vapeur urbaine de Glasgow. Et le retour sur terre... c'est pas facile....

vendredi 2 mai 2008

Praha (mercredi)

Dernier jour sur le territoire Tchèque, le mercredi commence - début de routine? - comme les deux jours précédents... Martina partie aux aurores, petits déjeuner dans la maison silencieuse, trajet jusquà l'arrêt de bus, dobrydenjedenlistekzatricetdvakronyprosim, Zlicin, métro, centre-ville. Il fait encore beau (encore plus beau que la veille, si c'est possible), je pars à la recherche de cartes postales, que je trouve dans une petite galerie qui exposent des photos datant de la seconde guerre mondiale, à l'époque où le gouvernement tchécoslovaque était réfugié en Grande-Bretagne. Je vais les écrire, si, si, c'est vrai. Par contre, hum, la mission "trouver des timbres avant de devoir s'enfuir vers l'aéroport" va lamentablement échouer, donc, hum, comme c'est étonnant venant de moi, elles ne partiront pas de Prague, ahem. On se refait pas. C'est comme ça. Encore une fois, rendez-vous avec Martina, deux heures plus tôt que la veille où le rendez-vous avait déjà été deux heures plus tôt que l'avant-veille (qu'aurait-on fait si j'étais resté deux jours de plus?), pour un repas d'adieu dans une pizzeria.

(D'ailleurs, en parlant de pizza, parenthèse inintéressante, mais.
A force de fréquenter des nords-américains, j'apprend des bribes de culture venu de l'autre bord de l'océan. Pas forcément les références les plus intellectuellement reconnues, mais c'est néanmoins rigolo. Enfin, bref, toujours est-il que ces élucubrations pseudo-anthropologico-culturo-whatever mises à part, Barbara a une passion pour les chansons pour gamins, plus ou moins intelligentes, et parmis les moins intelligentes à son répertoire, il y a ce "Kentucky-Fried-Chicken/Pizza-Hut, Mac-Dooonald, Mac-Dooonald" qui a le mérite de provoquer des fou-rire dès lors que les trois fast foods sont groupés à un même coin de rue (ce qui est fréquent à Glasgow). Mais à Prague, on peut pas la chanter, parce que si des KFC et des McDo, il y en a, nulle trace de Pizza Hut! Explication glanée au hasard d'une conversation surprise au détour d'une rue: Pizza Hut a bien essayé de s'implanter à Prague, mais voilà, les Praguois connaissaient déjà la pizza italienne, met oh combien plus délicat que son ersatz américain épais et huileux. En plus de ça, la pizza italienne n'y était pas très chère, alors que Pizza Hut, en tant que chaîne, avait des prix relativement plus élevé. Alors les Praguois, qui sont des gens plein de bon sens, ne se sont pas donné la peine d'aller se goinfrer et s'engraisser à plus haut coût et moindre qualité. Du coup, Pizza Hut a périclité. Bien fait pour leur poire est-on tenté de dire.
Fin de la parenthèse inintéressante. )

Après la pizza-italienne donc bien que tchèque, et après les adieux à Martina (qui ne furent que des au-revoir, chantons un peu sur l'air d'Auld Lang Syne, ou pas), adieux à Prague... qui exigent une escalade des jardins de Letna, pur aller voir le métronome géant qui trône au sommet de la colline, et aussi admirer la Vtlava et ses ponts de haut une dernière fois, puis un passage devant le Parlement, c'est la moindre des choses. Et pi, ben, direction l'aéroport, sans timbres, comme dit ci-avant, attente, avion, atterrisage à Paris...........................

jeudi 1 mai 2008

Praha (mardi)

Le mardi, et c'est pas bien étonnant, Martina a encore cours jusqu'en début d'après-midi. La journée commence donc à peu près pareil que la précédente, à ceci près que, 1) cette fois, il ne pleut pas, au contraire, il fait même superbement beau, 2) je sais quel bus prendre, et que le conducteur comprendra ma seule phrase approximative en Tchèque (d'autant plus que Martina, impressionnée, me l'a fait répéter à tout le monde la vieille histoire de prouver son talent de professeur de langue), 3) j'ai étudié la carte de la ville, et j'ai une idée un peu plus claire de ce que je veux voir et de comment m'y prendre pour aller le voir.

Profitons du soleil, qui a bien fait de se pointer vu que, ben, n'oublions pas que le pauvre parapluie violet a succombé dans une bourrasque la vieille
(qu'il soit violet, vous vous en foutez sans doute, mais moi je dis que ça n'ajoute qu'à ses qualités, alors, c'est triste.), et qu'en plus j'ai pas envie de voir que les musées. Objectifs pour m'occuper jusqu'à 14h, puisque cette fois-ci j'en ai : descendre du métro à Narodni Tridna, traverser la rivière en passant devant le Théâtre National (Narodni Divadlo, je crois avoir compris que "narodni" signifie "national), et, de l'autre côté, escalader la colline Petrin avant d'aller errer quelque part entre les ruelles pavées de la Mala Strana et les synagogues du quartier juif.

La colline Petrin, comme son nom semble l'indiquer, est une des (oh combien! ) nombreuses collines de Prague. Car Prague a beau être réputée pour la centaine de tours, clochers et autres beffrois qui l'hérissent, elle est aussi sacrément cabossée par une belle quantité de collines et autres monticules, qui font passer Glasgow-la-vallonée pour le plat pays (si, si, j'exagère à peine). Je ne me plains pas, six mois à habiter au sommet d'une colline m'ont habituée aux montées (et aux descentes), et les efforts payent, parce qu'on a une belle vue d'en haut... sur les tours, les clochers, les beffrois, les autres collines, le point d'interrogation de la rivière qui serpente entre les ponts.
Petrin, colline du jour, après celle du chateau (samedi), celle de Vyserhad (lundi), et avant celle de Letna (mercredi) [ouf, mes mains ont eu du mal à se réfréner de taper "l'Etna", ce qui géographiquement n'aurait pas été très correct, non mais, en plus d'être sacrément plus dangereux. Et sans doute plus haut. Y a pas de volcans à Prague à ma connaissance -certes relativement limitée, mais quand même.]

En bas, là où elle touche encore la ville et les rives de la Vtlava, se dresse le mémorial aux victimes du communisme, dédié à tout ceux qui ont vu leur vie délabrée ou amochée d'une façon ou d'une autre par le régime dictatorial : une procession de statues identiques, à ceci près que chacune est un peu plus en lambeaux que celle qu'elle suit, perdant un bras, une jambe, un morceau de tronc... Oui, les Tchèques n'aiment pas des masses le communisme, même s'ils ne se cachent pas de l'avoir laisser fermenter sur le territoire, et ils laissent les traces mélancoliques et soulagées, mais jamais haineuses ni amères, de ceux qui sont conscients de s'être fourvoyés mais d'avoir finalement retrouver leur chemin - et ne veulent pas oublier l'égarement pour autant.


En haut, ou plutôt, quand on monte un peu, il y a des oiseaux qui chantent, des vergers de pommiers en fleurs [là, mon clavier a tapé "en pleurs", allez comprendre...], des chemins qui louvoient le lond des flancs de la collines, et une inondation de lumière. Pas très loin (sur la colline d'à-côté, en fait), on voit la foule qui se masse aux abords du chateau et les touches de couleurs chaudes des maison de la vieilles ville - rouges pâles, jaunes dorés, ocres, roses fânés. Surtout, on entend la musique de la capitale : le chant des oiseaux printaniers, le tintement des cloches des innombrables tourelles qui se donnent le relais pour sonner les douzes coups de midi, la fanfare du chateau.

Ensuite, je profite des un-peu-moins-de-deux-heures qu'il me reste avant de retrouver Martina pour redescendre du jardin et errer plus ou moins au hasard dans la ville, dans les ruelles pavée désertes qui débouchent sur des avenues fourmillantes de touristes, de bureaux de change et d'étals de souvenirs (étrange à quel point les touristes se massent systématiquement en quelques point très précis, laissant de vastes pans de villes entièrement et mystérieusement vides). Je traverse Mala Strana, découvrant une à une les ambassades, à la recherche du "Lennon Wall" (gigantesque palimpseste mural, oui j'avais juste envie de caser le mot "palimpseste", est-ce un mal?) histoire de faire semblant d'avoir un but - d'ailleurs, il est juste en face de l'Ambassade de France, hahaha.


Ensuite, je traverse le Karlov Most, parce que, quand même, je suis une touriste, faut assumer, mais il est toujours plus beau de loin, de haut ou en photo, hélàs; de l'autre côté, je me perd encore un peu dans ma quête des milles synagogues (j'exagère, il y en a un peu moins que mille), je tombe finalement sur une statue kafkaesque de Kafka, pour finalement me ruerdans une patisserie et expérimenter au moins une des milles différentes briohces qui s'entassent dans la boutique (hmmmm), et puis, il est temps de retrouver le métro (qui a filé loin de mon chemin, le bougre), et Martina.

Cette fois, elle m'emmène dans un jardin au pied du château. Désert, parce que selon la mystérieuse loi de répartition des touristes (qui va décidemment à l'encontre de tout les principes d'entropie), les curieux se massent dans le château, pas autour, en dessous, derrière ou devant! Désert, mais (ou plutôt, donc) extrêmement calme et agréable... Puis elle m'emmène vers le centre de la ville, retrouver une amie à elle qui, après un semestre d'Erasmus à Lyon, parle Français (même si, en fait, les quelques mots qu'on échangera en français sonneront affreusement faux, les miens peut-être encore plus que les siens, allez comprendre...), et aussi, goûter la bière brune Tchèque (plus douce et sucrés que la blonde, mais pas moins bonne), la bière mélangée Tchèque (demi-brune, demi-blonde, donc rousse?), les pickles de camembert Tchèques.... et enfin, escalader une autre colline, au sommet de laquelle trône la statue soviétique et massive d'un monsieur dont j'ai oublié le nom et les exploits mais qui fut chevalier défenseur de sa patrie, ou quelque chose d'approchant.
Lui, là :


jeudi 24 avril 2008

Praha (lundi)

Lundi, par contre, sera assez épique. Martina a cours de 9h à 16h... je vais donc me retrouver en tête-à-tête avec la République Tchèque pour quelques heures, armée d'une carte de Prague (et d'un petit guide, sait-on jamais), d'un parapluie, et d'un bout de papier sur lequel Martina m'a écrit le sésame de tout adepte des transports en commun, la formule magique qui permet d'acheter un ticket de bus au conducteur.

Dobry den, jeden listek za tricetdva krony, prosim.

Dobry den, jeden listek za tricetdva krony, prosim.

Dobry den, jeden listek za tricetdva krony, prosim.

(il a fallu que je me le répète mentalement plusieurs fois avant de me diriger vers le bus. Mais ça a marché, je m'en souviens maintenant.)



Ben prendre le bus dans une petite ville de la banlieue Praguoise, quand on connaît (1, 2, 3... 8), 8 mots en Tchèque plus le nom de l'arrêt où on doit descendre, c'est pas si facile. Surtout quand on est pas douée et qu'on s'emmêle les pinceaux dans les horaires, qu'on arrive une demi-heure avant le bus, qu'on essaye de prendre celui qui va dans la mauvaise direction, même si un gentil monsieur est venu nous expliquer que c'était la mauvaise direction, mais comme il paralit tchèque, on n'est pas sûr d'avoir compris, et que pour couronner le tout, il pleut sans discontinuer. MAIS - mais, j'ai fini par y arriver, et me retrouver frigorifier dans le centre de Prague, où il pleut toujours autant, d'ailleurs.

Le petit papier laissé par Martina a accompli sa mission; le parapluie aussi, mais la sienne n'est pas encore achevée. C'est au tour de la carte d'intervenir, mais de toute façon je n'ai pas *vraiment* envie de m'en servir trop, parce que j'ai FROID, et il PLEUT, et dans ce cas, on n'erre pas dans une ville en flânant, on cherche un endroit abrité où se réfugier.
... il se trouve que l'endroit le plus proche pour s'abriter (enfin, le premier que je trouve) qui soit un peu plus vaste qu'un disquaire est le Narodni Muzeum (Musée National, géologie, zoologie, anthropologique, etc, ce genre de trucs), qui, oh miracle, est gratuit le premier lundi de chaque mois, m'a dit mon guide (même si je préférais mon explication, selon laquelle le musée avait été gratuit parce qu'il était gratuit les jours de pluie, ce qui par ailleurs aurait expliqué la gratuité permanente des musées écossais, mais, non.)
Comble de l'ironie pour mes pieds frigorifiés en voie de glaciation, il y a une exposition temporaire sur... les pieds. Ou comment réunir des objets qui n'ont ABSOLUMENT rien en commun, à part, euh, d'avoir de près ou de loin trait à la podologie/graphie/morphie. Bon et puis il y a une tête de mammouth empaillée (sans le corps hélàs) (pas dans l'expo sur les pieds, hein, rien à voir!), donc je suis heureuse.



Ensuite, il pleut toujours, donc, second refuge, un café. Et ensuite, il pleut toujours, mais il faut que je songe à aller rejoindre le métro pour aller rejoindre Martina, alors, bravons les éléments, fidèle parapluie!

...

Le parapluie a succombé, affaibli par de durs mois de labeurs impitoyables sous la pluie battante et le vent infatigable de l'Ecosse. Paix à son âme. Il fut un bon et loyal serviteur.
[minute de silence]

...

[une minute plus tard]

Une fois Martina retrouvée, grâce à l'aide (chaotique) de la carte, heureusement, tout va redevenir simplement. Déjà, il faut dire, il ne pleut plus. Et aussi, Martina, elle, sait où elle va. Ca aide. (Elle va d'abord chez elle poser son ordinateur portable et dîner, mais c'est assez peu intéressant dans cette affaire).
Moi, par contre, je ne sais pas trop où elle va, mais je la suis. C'est comme ça que je me retrouve dans un parc en haut de la colline de Vysehrad, de nuit, à surplomber Prague sous la clarté de la Lune, avec les ombres des ruines d'un vieux château et d'un cathédrale encore entière derrière moi. (et que je me dis que mieux vaut parfois suivre le sgens qui savent où ils vont, mais quand on ne sait pas soi-même où c'est, que se paumer en errant)

Quelques trajet en tram plus tard, je me retrouve à l'autre bout de Prague, et aussi à l'autre bout du nuancier des ambiances, dans un bar-repère-de-freaks-intoxiqués, où la bière n'est pas bonne (pourtant, la bière Tchèque, c'est bon), où la musique joue les apprentie en hypnose, mais où la décoration à elle seule justifie (et rentabilise) le déplacement... des vieux bouts de moteurs, des roues de tracteurs, des engrenages, des fonds de tiroir de quincaillers, des ampoules de couleurs ont été assemblés pour transforer le lieu en une gigantesque sculpture mécanique mouvante, clignotante, mutante. On s'assied dans des sièges piqués à un cadavre de bus, et, la bière aidant, on fini par se convaincre, que, si, cet endroit est parfaitement normal, même s'il semble défier toutes les lois de la physique et de l'habitude. Où je suis, je sais pas, mais, ouah. (oui, et ce matin, j'étais paumée sous la pluie à attendre un bus qui ne parlait pas ma langue.......)

Praha (dimanche)

Le dimanche, je n'ai pas vu Prague.



Martina profite de la voiture paternelle pour m'emmner au Chateau Konopiste, où, d'ailleurs, elle n'est jamais allés, et où il y a des ours qui gardent les douves (et y vivent - dans les douves, pas dans le château. Mais quand ils meurent, on les empaille, et on les installe dans une pièce du château. Du coup, les ours vivent presqu'enterrés, et doivent attendre d'être morts pour se voir octroyer une demeure au-dessus du sol. C'est comme ça.) Je n'ai pas compris grand chose à la visite guidée, parce que 24h ça ne m'a pas suffit à maîtriser le tchèque, même si Martina me traduit l'essentiel (par exemple, l'histoire des ours).

...

Apparemment, le château date du XIIIe siècle, et est passé de familles nobles en familles nobles avant d'être acheté par l'Archiduc François Ferdinand (celui qui sera assassiné à Sarajevo-et-vous-connaissez-la-suite, et qui, quelques 80 ans plus tard, aura un cheval de course baptisé en son honneur, qu'une bande de jeunes Glaswegiens verra franchir la ligne d'arrivée avant de décider de nommer leur groupe de rock en son honneur-et-vous-connaissez-la-suite, qui n'est pas une guerre mais Take Me Out. Eux sont devenus riches, mais pas assez pour se payer un château en Bohème, ni pour se faire assassiner à Sarajevo d'ailleurs. C'est comme ça.)
Ah oui, et il est aussi réputé pour son impressionnante collection d'armes qui est, effectivement, impressionnante. Comment on peut avoir autant de pistolets, d'armures et de gourdins entreposés chez soi, et quand même réussir à se faire assassiner, ça me dépasse un peu, mais peut-être qu'il n'y avait pas encore tout ça du temps où des gens vivaient encore dans cette humble demeure.
Et puis il y a l'électricité (d'époque), et un ascenseur (d'époque), et des murs recouverts de trophées de chasses. Il y a aussi un "harem", surnommé ainsi pour sa décoration vaguement orientalo-arabisante. Bien sûr, c'était la seule pièce du château interdite aux hommes. (Na ! )



Après, Martina doit travailler, sa mère a préparer un dîner pour le soir, et, de toute façon, je suis encore un peu fatiguée... pas tellement plus de péripéties en ce jour du seigneur, du coup.

Praha (samedi)

J'ai de la chance, j'ai un guide de premier choix, qui parle anglais, que je connais bien et apprécie au moins autant, et qui en plus a grandi aux abords de la ville. C'est une bonne chose, parce qu'avec la nuit quasiment blanche qui me poursuit, je n'aurais pas donné cher de ma personne (et de mon orientation) dans une ville inconnue. Je peux suivre, sans me poser de questions, sans avoir besoin de me fatiguer à déchiffrer une carte, sans avoir à me demander comment comprendre les gens et me faire comprendre d'eux. Et... comme Martina fait les choses bien, je passe devant la plupart des principales attractions touristiques de la ville.
Le château... le fameux Karlov Most (oui, celui qui est sur toutes les photos de Prague, et qu'il faut voir en photo -ou de nuit- pour le voir vraiment, tant il fourmille de touristes de jour), la vieille place et la fameuse horloge à marionettes, les ruelles du vieux Prague... pour finalement traverser la Vlatva et escalader la colline des Jardins Letna - que, bizarrement, j'ai reconnu instantanément, bien que je ne l'aie jamais vue ailleurs qu'entre les lignes de L'Insoutenable Légéreté de l'Être. Et ensuite, me noyer dans le flot opaque de la conversation d'un groupe d'étudiants tchèques, en me laissant bercer par les son d'une langue totalement étrangère. De temps à autre un "francuska", "pariji" ou "glasgow" qui sonne familier me tire de ma vague torpeur pour m'indiquer que, tiens, ils doivent parler de moi, là...


Il n'est pas si tard quand on rentre (par le train, pour une fois pas de bus!), mais la nuit est noire et dense, beaucoup plus qu'à Glasgow que des ampoules jaunâtres privent du luxe de disparaître sous la couverture sombre du ciel nocturne. Il y a des étoiles dans le ciel, ce qui, même si on oublie de s'en rendre compte, à force, n'est jamais le cas à Glasgow (et je ne sais pas pourquoi).


samedi 19 avril 2008

Praha (prologue)

Tout a commencé par un mail envoyé à Martina (regrettée coloc tchèque du premier semestre, qui s'est échappée dès qu'elle l'a pu de la solitude bleutée de l'hiver glaswegien pour retrouver la banlieue pragoise), dans une quête de manières d'échapper à la solitude bleutée potentielle d'un spring break glaswegien. "Dis, je peux venir dans dix jours ? " - question enrubannée et enrobée des politesses d'usage et des inévitables digressions qui s'imposent dès qu'on tente d'écrire quelque chose à un(e) ami(e). "Oui ! " enthousiaste en réponse, achat de billets d'avions, (Edimbourg-Prague, Prague-Paris, Paris-Glasgow, ou comment se ruiner en 30 minutes et autant de clics), et voilà la morne perspective de deux semaines à croupir dans un campus déserté définitivement éludée.
[D'autant plus éludée qu'en parallèle, un mail avait été envoyé à Morgane - Bretonne en exil écossais qui préparait en tandem avec Michael, débarqué il y a trois mois de l'Indiana, une expédition à destination des Hébrides extérieures pour la deuxième semaine d'avril : "Dis, je peux venir avec vous dans vingt jours ?", même réponse ou à peu près. Ou comment associer les compagnies de bus à son entreprise de ruine au profit de l'industrie des transports. Mais ça, c'est une autre histoire, qui viendra en temps voulu.]

Pour de vrai, tout à commencé samedi 5 avril à 2h00 du matin, au son d'un réveil qui jouait à faire semblant que la nuit était finie, même si elle n'avait en fait duré qu'une petite demi-heure. Alors, j'ai continué de faire semblant que la nuit était finie, même si la couleur du ciel s'obsitnait à me hurler le contraire. Douche, thé, tout comme si c'était le matin, et puis attraper le sac, les clés, sourire en lisant le post-it d'au-revoir collé par Barbara sur la porte ("Have an amazing time in Prague and hug Martina for me !!!", ou quelque chose d'approchant), sortir, et descendre Cathedral Street en direction de Buchanan Bus Station, en complet déphasage d'avec les créatures croisées en chemin, qui elles font semblant que la nuit n'a pas commencée. Pas ma faute si mon avion décolle d'Edimbourg à 7h30, et s'il n'y a ni bus ni train qui relient Glas' et Ed' entre 3h et 6h30.

Contre toute attente (ou pas), il y a du monde dans les rues du centre de Glasgow à 2h45 dans la nuit du vendredi au samedi, et il y a même du monde qui prend le bus de 3h pour Edimbourg. Du monde bien éthylé et fraîchement (ahem - mauvais mot) sorti des clubs, mais du monde quand même. Donc, apparemment et contre toute attente, il y a des gens qui viennent d'Edimbourg simplement pour passer leur vendredi soir à la Strathclyde Union, ce qui est une drôle d'idée, mais ne jugeons pas. Il y a aussi du monde dans les rues du centre d'Edimbourg aux alentours de 4h du matin, à moins que ce ne soit que les gens qui sortent du bus et ceux qui attendent la première navette pour l'aéroport parce que leur avion est matinal, je ne sais pas trop. La nuit va bien à Edimbourg en tout cas. Et j'aurais vu Prince's Street déserte au moins une fois dans ma vie, ce qui n'était pas gagné d'avance.

Sur la route vers l'aéroport, les choses se normalisent petit à petit, à mesure que l'heure avance. Mais la nuit commence à peser sérieusement, jusqu'à s'effondrer sur mon front pendant que j'attend l'ouverture de l'enregistrement, posée sur un siège de l'aéroport. Après, toute n'est qu'une affaire d'équilibre entre le somnanbulisme et l'auto-suggestion que si, voyons, bien sûr que j'ai dormi cette nuit, et que c'est le matin, quelle question, d'ailleurs ce n'est pas un café que je suis en train de boire? En plus, le soleil se lève, alors, la question ne se pose même plus. Matin. Réveil. Si, si... (Tout ça pour passer les 2h30 de vol dans les bras de Morphée....)

Et l'engin se pose en territoire tchèque. Une heure s'est perdue en route, mais je suis entière... et, on va dire, pas trop ensommeillée. Il fait beau, la matinée est bien avancée dans cet autre pays qui vit et bourdonne dans un langage mystérieux, et Martina m'attend (présence improbable ici, bien que ce soit son pays - mais ce n'est pas celui dans lequel je la connais) (bulle anglophone de sécurité, ancre d'amitié qui comprend le trafic des bus et connaît le chemin vers un toit et un matelas).

Prague donc, commence par l'aéroport, des nouvelles rapportées de Glasgow échangées contre celles du cru, un premier bus (il y en aura beaucoup d'autres), et la performance orchestrée des jets/jeux d'eau du centre commercial de Zlicin (en attendant un deuxième bus). Parce que dans les centre commercials pragois, ou en tout cas dans celui de Zlicin tout au bout de la ligne de métro B, le temps est rythmé par une fontaine qui se donne en spectacle et danse dix minutes au début de chaque heure. Au centre de Prague il y a une vieille horloge qui fait pareil, sans jets d'eau mais avec douze apôtre qui apparaissent à la fenêtre pour saluer la foule pendant qu'une marionette de la Mort fait tinter une cloche. Mais ça, ce sera quelques heures (et quelques bus/métro/trams) plus tard, après un détour par Hostivice (petite ville adjacente de Prague, mais on se croirait profondément avancé dans la campagne) et la maison toute neuve, toute belle, toute calme de la famille Sykorova.

(photo pas de moi parce que mon appareil photo est en grêve prolongée pour cause d'allergie aux piles neuves. © Google images)

mardi 1 avril 2008

Monsieur le Révérend de Paisley et sa guitare.

Glasgow est la troisième ville du Royaume-Uni. Ca n'est pas pour autant une métropole gigantesque, mais tout de même une ville de taille respectable, avec son centre fourmillant, son quartier décomplexé un peu bohème, ses coins résidentiels gentiment intimidant, ses rues encadrées de bureaux cachés derrière les façade majestueuses et impassibles de maisons victoriennes, ses tours et bloc d'immeubles tristes et gris, ses recoins délaissés et délabrés, ses ruelles glauques et ses chantiers poussièreux. Et les habitants, les passants, les mendiants, les étudiants, les marchands. [Tout ça, je l'ai déjà plus ou moins dit ici, mais mon penchant affirmé pour les digressions introductives et mon besoin de m'échauffer un peu, depuis le temps que je n'ai pas écrit dans ce blog, me poussent à le répéter avant d'en venir au fait. Je continue, donc.] Pour égayer toutes ces pierres et occuper tout ces gens, il y a des cinémas, des théâtres, des musées, des parcs, des pubs, des clubs - Glasgow est la troisième ville du Royaume-Uni, on a dit. Parfois en vrac, parfois en grappe.

En grappe, comme sur Sauchiehall Street. Sauchiehall Street est difficilement contournable par l'apprenti glasgwegian, puisque c'est une des principales artères de la ville, grande ligne qui sur la carte relie les tréfonds de West End au centre névralgique qu'est Buchanan Street. Alors, mieux vaut apprendre à prononcer son nom: dans Sauchiehall Street, il y a "ch", cette sonorité bizarre entre le [k] et le [h] aspiré vaguement teintée d'une ombre de [r] étouffé, qui infeste les noms alambiquées des gares de la cambrousse écossaise : Balloch, Lochwinnoch, Drumgelloch, Lochgelly, Lochuichart, ce genre de trucs imprononçables... Bref, ça nous donne quelque chose du genre "Sokh'ieh'ol Strit" (et pas "Saucissol", ni "Sushihall").
Une fois qu'on sait prononcer ça (enfin, avant de savoir, c'est autorisé aussi), on peut aller découvrir les charmes de la rue, pas très belle en fait, mais qui peut se vanter d'avoir une des sinon la plus forte concentration de pubs, bars, clubs, salles de concerts et autres antres où occuper ses soirées de Glasgow. [et là, enfin, je ne vais pas tarder à en venir au fait]

Une des ces antres porte le doux nom de Nice'n' Sleazy, que je ne traduirai pas pour la simple et bonne raison que je n'arrive pas à trouver de traduction convenable (un "chic et pas cher" version trash, peut-être. ou peut-être pas.), mais qui accessoirement est aussi le titre d'une chanson des Stranglers, si vous voulez tout savoir. Quand on rentre, il y a deux portes peintes en rouges; l'une mène au bar, l'autre mène à la cave. Il faut prendre celle qui mène à la cave, évidemment, mais pas n'importe quel jour. Il faut y aller un lundi, à partir de 20h, si on veut voir Monsieur le Révérend de Paisley et sa guitare, entouré de son Eglise iconoclaste.

En guise de chaire, une scène ; en guise d'autel, un ampli et un micro ; en guise de relique, une vieille guitare folk qui en a vu d'autres ; en guise de fidèles, une assemblée relativement jeune d'étudiants fatigués, de glasgwegiens décalés et de musiciens discrets ; en guise de prière, des chansons, et en guise d'ostie du pop corn au caramel, que le maître de cérémonie fait passer dans le public entre deux performances.
Grand chauve aux airs de mulots, à mi-chemin entre un gangster sympathique et un Monsieur Loyal qui aurait perdu sa moustache, le maître de cérémonie quand il ne distribue pas du pop corn, invite l'assistance à s'installer aussi confortablement que possible, demande le silence, et présente les musiciens, qui se succèdent sur le tabouret sur la scène pour jouer chacun une chansons. Il y a par exemple "la Reine du Sleazy" aux airs de Boucle d'Or et à la voix angélique, qui chante sur les librairies, Thomas, comme "toucher était lire et lire était savoir et savoir était possible". Ou le brun aux cheveux trop longs cachés sous un gros bonnet de laine grise qui reprend Keep The Car Running en se montrant à lui seul presque aussi convaincant que toute la clique de Win Butler et Régine Chassagne. Ou le duo Tchèque. Ou cet autre duo qui joue First Day Of My Life. Ou le folkeux qui reprend une chanson de Richard Thompson parce que Supergrass joue au Cropredy Festival, en expliquant que "the folkies among you will understand the connection" (parce que Richard Thompson est un des membres fondateurs de la Fairport Convention, qui est à l'origine du Cropredy Festival et l'organise et le clôt en août tous les ans depuis les seventies, merci Wikip' mon bon ami de me permettre de ne pas faillir à ma réputation de folkie).

Au milieu de cette coalition mouvante trône Monsieur le Révérend de Paisley, qui vient jouer tous les lundi des chansons sur les crottes de nez de son neveu ou les déceptions amoureuses d'un exilé en URSS de sa voix grave et modulable, colorée par un accent écossais (n'est pas révérend de Paisley qui veut) et accompagnée de sa fidèle guitare. Monsieur le Révérend de Paisley est grand, mince, avec un bouc chatain et peut-être un faux air de prêtre païen, mais il n'a pas de soutane, et c'est heureux. Monsieur le Révérend de Paisley et sa guitare démontrent aussi que New York n'a pas le monopole de l'antifolk, qui n'est d'ailleurs pas du folk du pauvre, ni du folk sans queue ni tête, juste du folk qui se prend pas la tête car il n'a pas peur de la perdre. Enfin, en fait, Monsieur le Révérend de Paisley et sa guitare ne cherchent sans doute pas à démontrer quoique ce soit, ils rappellent juste que la musique, c'est comme le vin, les caves et les bars lui font du bien. Et ce que la musique de Monsieur de Révérend de Paisley et de son Altesse la Reine du Sleazy a, que le vin n'a pas, c'est qu'elle se marie très bien avec les pop corn au caramel.

www.nicensleazy.com

mercredi 19 mars 2008

Béatrice uncovered


Au péril de leurs vies, deux Scubiennes ont infiltré le domicile béatricien. Abusant de son thé, de ses scones et cookies, elles n'ont pourtant pas oublié leur mission première, vous raconter, enfin, la VRAIE vie de Béatrice en Ecosse.

Pressées par le temps, nous irons à l'essentiel....

1°) Béatrice est une étudiante bobo. Elle achète des bananes Max Havelar. Qui a les moyens d'acheter des bananes fair trade? tout cela est louche, elle doit gagner de l'argent quelque part (traffic d'organes? huhu)

2°) Béatrice boit sa Guinness plus vite que Viviane et c'est vexant pour elle. Et Béatrice a semble t'il moult entrainement, cf. cliché révélateur

3°) Béatrice aime les épingles à nourrice géantes.

4°) Béatrice a des nouvelles chaussures, mais elles ne sont pas rouges. (Béatrice va donc s'acheter des chaussures rouges. Et du Cheddar rouge.)

5°) Béatrice a une Bible dans sa chambre ou sèchent des fleurs dédiées au Seigneur. Ont été vues page 854 une joncquille et page 486 une fleur jaune non identifiée.

6°) Béatrice achète du camembert au lait frais parce qu'il "peut contenir des bactéries".

7°) Béatrice n'a pas le droit d'entreposer des traffic cones et des barrières dans son appartement cf. Birkbeck Court Regulation 845-3 (mais ses voisins le font)

8°) Béatrice est à la diète écossaise. Et ça fait peur, parfois.

9°) Béatrice va en cours, mais pas assez longtemps pour que nous puissions tout exposer. Elle arrive! aaahhhh



lundi 10 mars 2008

Uh? merica...

"Uh? merica" ?Drôle de titre (que j'emprunte à une chanson de Regina Spektor, rendons à César ce qui est César) pour quelqu'un qui écrit depuis l'Ecosse, me direz vous... Eh bien, oui, mais non, vous répondrai-je, parce qu'il se trouve que je crois bien avoir rencontré ici plus d'Américains que d'Ecossais... Je rajouterais bien que je connais un nombre relativement impressionant d'Américains pour quelqu'un qui n'est jamais allé à l'ouest de Porto, mais là n'est pas le sujet.

Pourtant, des Américains, il y en a, mais pas tant que ça. Je ne suis même pas sûre qu'il y en ait tellement plus que de Canadiens, alors qu'il y a quasiment un rapport de 1 à 10 entre les populations des deux pays. Mais il y en deux dans mon appartement, alors, difficile de passer complètement à côté.

Megan et Ashley, que j'ai déjà rapidement évoquées il y a quelques semaines, viennent du Sud - comme l'écrasante majorité des Américains exilés ici. Pourquoi une telle invasion de Sudistes, dans un pays aussi froid, sombre et humide que l'Ecosse, je n'en ai ma foi pas la moindre idée, mais j'observe. Caroline du Nord, Caroline du Sud, Tennessee, Georgie, Arkansas, Texas, Virginie...
Megan et Ashley ont prévenu, dès les premiers jours, qu'il ne fallait pas juger les Etats-Unis sur leur image et leur comportement. Heureusement, suis-je tentée de dire...

Parce qu'il m'a suffit de quelques semaines dans un appart fréquemment envahie par une cohorte gloussante, piaillante, pécorante, ricanante, rotante, jurante, composée de mes colocs et de leurs compatriotes-amies, pour me rappeler ou m'apercevoir que les Etats-Unis, c'est...

le Coca Cola par litres, parce que l'eau n'a pas assez de goût,
les croques-monsieurs frits dans le beurre dès qu'on a un petit creux
les placards remplis de boîtes de gâteaux, brownies et pancakes en poudres
un humour à peu près aussi gras que la nourriture
un vocabulaire qui oscille du "It's soo awesome and delicious and great and cool" au "Sluts, get up goddamn motherfuckers an ' you fuckin' bitches"
le rot sonore et prolongé comme ponctuation du quotidien
une quasi-ignorance de l'état du monde au delà des frontières de son petit univers ("Hitler, il était fasciste ou socialiste?" ... "Et donc, Cuba, c'est fasciste, c'est ça?")
une tendance subséquemment exacerbée à rire de l'ignorance des autres
les discussions interminable sur les stars du college football
la crainte de la décadence des moeurs qui croque les jeunes dans leur berceau en passant par les écrans
la télé toujours allumée, avec le plus de chaînes possible (4 chaînes, ça n'est pas la télé, il faut acheter un décodeur pour en avoir cinquante de plus)
les Backstreet Boys, High School Musical, Dan Cook, Rupert Murdoch
des girls movies, des girls book, de la cultures à l'aspartame
Ronald Reagan et la dynastie Bush
Kentucky Fried Chicken & Pizza Hut, MacDonald-MacDonald
tout il est beau il est gentil il est incroyable, sauf quand on décide qu'en fin de compte, c'est moche, débile, idiot, insupportable et donc à jeter, parce que...
... s'il y en a trop, on jette / s'il y en a pas assez, on achète.
plus de bruit qu'un car de touristes franchouillards, en fin de compte
une communauté qui laisse le portail grand ouvert, mais ne pense pas à la porte d'entrée
des drama & romances qui éclosent à partir de rien, et fânent vite
des hyperboles gonflées à l'hélium

LOIN, en fait.

Alors, c'est fatiguant, des fois, de vivre avec des Etats Unis comme voisines, toute gentilles et polies qu'elles fussent. Et ça fait revoir le croquis mental qu'on avait du pays, changer quelques lignes, en retracer de nouvelles, accepter d'y incoporer quelques clichés qu'on croyaient pourtant éculés. On se dit que, peut-être, le choc culturel, ça existe vraiment, en fin de compte... que les stéréotypes ont pas toujours tout faux... qu'on avait juste laissé son imagination s'égarer... et qu'elle s'était bien plantée...

Parce que moi, je croyais (et j'aimerais bien continuer à pouvoir croire) que les Etats-Unis, c'était...

le pays des romans individuels, des épopées industrielles, des sagas hobo-esques, des errances infinies et insouciantes, des perdants magnifiques, des rêves qui explosent en plein vol et s'éparpillent en feu d'artifices à travers les cieux
Bob Dylan, Tom Waits, Louis Armstrong, Johnny Cash, Miles Davis, Bruce Springsteen, Billie Holiday, l'hôpital Saint James et l'hôtel Chelsea
les contre cultures éphèmères - les coalitions de réfractaires
Woody Allen / Woody Guthrie
le confort d'une chanson mélancolique et feutrée comme la neige qui réchauffe un matin d'hiver et rafraichit un soir d'été - Bright Eyes, M. Ward, My Morning Jacket, The Postal Service, les songwriters new-yorkais
Thomas Jefferson, Martin Luther King, Barack Obama
un café à Seattle, un bourbon à la Nouvelle Orléans
une cohorte d'écrivains qui font ployer les étagères loin des frontière américaines, de Dos Pasos à Paul Auster en passant par Kerouac, Bradbury, Vonnegut, Bukowski.
les grandes étendues de natures qui noient les fourmillères urbaines
le géant de Big Fish qui se promène à travers les rues de Riddle, Mississippi au son de Stuck Inside of Mobile with the Memphis Blues Again
les vallées de silicone construites dans les vestiges de vallées de roc et de poussière
le Mexique à côté de l'Italie à côté de la Chine à côté de la Russie à côté de l'Irlande à côté des Caraïbes

... et toute une série de fantasmes du même genre, probablement aussi stéréotypés que la première énumération, d'ailleurs.
Heureusement pour mon imagination toute inquiète de s'être si dramatiquement fourvoyée (et pour les Etats-Unis, aussi), il n'y a pas que des clones de mes colocs chez les Américains importés en Ecosse, et il y a donc aussi des gens pour sauver mes élucubrations sur le compte de leur pays. Ils/elles sont plus rares (et, en général, ils/elles viennent du Midwest - bon, personne de la Côte Ouest ni de la Nouvelle-Angleterre dans les parages, non plus, faut dire), mais aussi plus facile à trouver, parce qu'en général, ce sont ceux qu'on voit se mélanger aux Européens.

En attendant, heureusement pour moi qu'il y en a, parce qu'il paraît que j'ai une tête de Nord-Américaine, à en juger par l'air tout surpris de la jeune fille qui est venue me demander "Are you from the US or Canada?" la semaine dernière, quand je lui ai répondu que non, j'étais Française, pourquoi, j'avais l'air?... Notez que sur cette réponse, elle s'est empressée de passer son chemin et d'aller voir ailleurs si elle y était.

jeudi 21 février 2008

Oyez! Oyez!

Mesdames et messieurs, mesdemoiselles, fidèles lecteurs et lectrices de cet humble blog,

Ceci est une annonce de la toute première importance.
Car ce soir, quelque chose dans Glasgow a changé.

Oui, ce soir les Celtics ont perdus contre Barcelone, à la maison pour ne rien arranger. Mais ça, ça n'est pas très important, ça aura juste fait la joie des Catalans et, surtout, des Rangers (NDLB : les Glasgow Rangers, ce sont les footballeurs glaswegians aux maillots bleus. Ils sont protestants et ils haïssent cordialement les Glasgow Celtics, qui sont les footballeurs glasgwegians catholiques aux maillots verts et blancs, et qui le leur rendent bien. Mais les deux équipes sont sponsorisées par la même marque de bière, à savoir Carling, donc l'unité urbaine est sauve, car ce qui importe c'est ce qu'on boit après le match, n'est-ce pas?). Non, ce n'est pas ça l'évènement digne de cette soudaine résurrection de blog.

Oui, ce soir a eu lieu la quatrième "Jim Wilson's International Night" du second semestre, qui s'est tenue au Social sur Royal Exchange Square. Mais ça aussi, on s'en fout, ce n'était de toute façon pas une grande réussite. Ceci dit, il y a tout de même une leçon à en tirer : le Social, c'est tout pourri comme bar, et si vous allez à Glasgow, inutile de vous y arrêter. Vraiment.

Oui, aujourd'hui il a fait tout gris après une suite inimterrompue de quatre jours de soleil resplendissant, mais, franchement, il faut que j'arrête de ne parler que du climat dans ce blog, même si j'en conviens c'est important, c'est aussi lassant et un tantinet (mais juste un tout petit tantinet de rien du tout) répétitif.

Oui, ce soir la famille Osborne a présenté la cérémonie des Brit Awards, au cours de laquelle Kylie Minogue a chanté entourée de Power Rangers emballés dans du papiers cadeau luisant, où les Kaiser Chiefs ont joué au milieu de de gratte-ciel miniatures qui poussaient plus vite qu'Alice après qu'elle a mangé le mauvais champignon, et où Amy Winehouse est venue reprendre l'hommage à Valéry Giscard d'Estaing des Zutons d'une voix de plus en plus chevrotante qui laisse penser qu'elle a vieilli de 75 ans en 7,5 mois. Mais ça non plus, ça n'est pas bien intéressant, et en plus, ça s'est pas passé à Glasgow, et personne de Glasgow n'y a rien gagné.

Oui, aujourd'hui a été tellement dépourvu de la moindre petite once de péripétie que je n'arrive même pas à trouver une nouvelle idée pour prolonger un peu mon énumération, et ainsi faire habilement durer le suspens. Je ne vais donc plus pouvoir divaguer bien longtemps, et vais finir par être obligée d'en venir au fait, ce que je déteste, parce que, franchement, quel est l'intérêt d'écrire dans un blog, si c'est pour juste en venir au fait de la façon la plus concise et efficace possible?
Mais quand même, si je fais cette annonce à une heure si tardive, c'est que (à part que je n'ai pas sommeil, allez savoir pourquoi) j'ai quelque chose d'important à annoncer. Je devrais donc l'annoncer, avant que vous ne vous lassiez de mes détours pseudo-rhétoriques et n'alliez vous coucher, ou changiez de page web, ou je ne sais quoi encore.

La grande nouvelle de ce jour mercredi 20 février de l'an de disgrace 2008, annoncée avec un peu de retard le lendemain, est donc...

*trompettes et ensemble de cuivres arrangés par Mr. Mark Ronson, tout juste sacré meilleur artiste masculin britannique de l'année par l'académie des Brit Awards*
*roulements sur les tambours de Joey Castillo qui en profite pour faire rouler ses muscles*
*Cri d'allégresse de Michael Allan Patton, hurlant sous l'effet d'une pulsion inexplicable le nom de sa ville natale, à savoir "Euréka!"*
*Grognement rageur d'Archimède qui se retourne dans la baignoire de son tombeau, marmonnant "mais qu'est-ce que c'est encore que cet abruti qui me plagie sans me citer?! Non mais vraiment, la recherche, de nos jours, c'est plus ce que c'était!..."*
*Chute de pommes sur la poire d'Isaac Newton qui s'était endormi auprès de son arbre et aurait sans ça loupé la nouvelle*
*Quinte de toux de la Pompe à Air de Boyle qui s'est a moitié étouffée de stupeur en lisant le Léviathan*

.....

Mesdames et Messieurs, Mesdemoiselles, chers renards du campus de Strathclyde, j'ai le bonnheur et l'honneur de vous apprendre que le Sir Arthur Wellesley, Premier Duc de Wellington, a cette nuit, entre 22het 23h23, retrouvé son chapeau !
Depuis le mois de décembre, au moins, notre noble ami avait dû trôner tête nue, endurant toute la rigueur des gelées hivernales sans protection aucune. Une terrible injustice faisait que personne, non, personne ne daignait prendre la peine de le recoiffer. Mais aujourd'hui, une grande âme inconnue, mais qui mérite tous les honneurs, de la canonification à l'érection d'une statue en place de grève, a enfin pris la peine de remédier à ce terrible état des lieux qui n'en pouvait plus de durer... et a rendu son chapeau à notre ami Wellington.

Il est donc de retour, cet objet conique à rayures vermillon et blanche, qui normalement devrait servir à signaler les travaux et déviation sur les routes, mais qui à Glasgow sert à tout sauf à ça. Il est de retour, ce machin que les Américains appellent cone et les Canadiens pylon. Et désormais, trève de guerre sémantique entre voisins nords-américains, puisque la chose en question peut de nouveau être désignée par la périphrase "Wellington's hat"!

Surtout - surtout, cette nuit, Glasgow, qui n'était plus vraiment Glasgow sans son couvre-chef, est redevenu Glasgow, et les récents arrivants vont enfin connaître la ville telle qu'elle est réellement. All hail to the cone !


(car, n'en déplaise à mes amis canadiens, il faut dans Google Image taper "traffic cone" et non pas "pylon" pour trouver une telle image. Putain d'impérialisme étasunien à la con, tabernacle, je sais, mais c'est comme ça.) (Si j'osais, j'ajouterai un "Monsieur ou Madame inconnue qui a accompli cette oeuvre bienfaitrice à l'humanité, chapeau!... mais je n'ose point, car ce serait tomber bien bas, et que je ne me suis pas hissée très haut avec ce message) (et je crois que je vais arrêter là les dégâts. Car ça s'appelle du souillage d'honneur et d'intégrité virtuelle de blog, et si c'est pas encore puni par la loi, ça devrait l'être bientôt, parce que c'est vraiment pas joli-joli tout ça)

Je vous laisse donc libres de savourer la nouvelle avec tout le recueillement qu'elle mérite.
Merci de votre attention, vous pouvez désormais arrêter d'ouïr si vous le souhaitez.

samedi 2 février 2008

Manchester, sq. (jours 2 & 3)

Le vendredi s'était fini tard, le samedi a donc commencé tard... Mais pas trop, parce qu'il fallait aller récupérer un lot de flyers promouvant le groupe émergeant (George Acan, ou quelque chose comme ça, si ma mémoire ne me joue pas trop de tour) dont Charlotte et une de ses co-exilées essaye de diffuser le nom (avec plus ou moins de succès, cf mes doutes). Rendez-vous donc avec le monsieur en manteau noir et cheveu blanc qui a pris les musicien sous son aile et qui, aidé par les revenus conséquents que lui ont apporté ses années de services à une firme de chimie, finance une opération de promotion visant à aboutir sur un contrat avec une maison de disque avant la fin de l'année. Le rendez-vous a été donné devant un café végétarien pour le transfert de la marchandise (en papier), et nonobstant une petite embrouille autour d'un sucre qui a plongé dans un café noir alors qu'il aurait dû finir dans un café au lait, qui se solde sur l'abandon par Charlotte de son employeur avec deux tasses de café fumant dans les mains, nous avons vite fait d'aller réveiller les Français qui vivent parmi les restes du champ de bataille qui fut festif la veille au soir.

D'ailleurs ce détour n'avait pas vraiment d'autre but que de tirer de pauvres âmes épuisées d'un sommeil réparateur, parce que ce n'est pas avec eux que nous avons prévu de passer la journée : direction le centre de Manchester, pour marcher en prenant notre temps vers le seuil de l'hôtel Hilton de la ville. Non, pas de repas de luxe au programme, mais un rendez-vous avec des vrais anglais, amis de mes parents (et de moi, en fait, aussi), qui ont la gentillesse de venir nous chercher en voiture pour nous emmener chez eux, à Chester (une cinquantaine de kilomètres plus loin). Changement radical d'ambiance, des couloirs rudimentaires de la résidence universitaire auconfort chaleureux de la maison familiale anglaise.. Et, entre les jeux des deux petits garçons de 6 et 9 ans, le thé, les chocolat, suivis de l'apéritif, puis du repas à proprement parler (poulet rôti-salade-riz à l'iranienne puis cheesecake à la vanille), et les discussions avec les parents sur des sujets allant de "Avons-nous le droit, en tant qu'humains, de ne pas disparaître?" à "Google marque-t-il la mort de l'éducation et de la curiosité?" en passant par la qualité de vie londonienne et l'apprentissage en immersion d'une langue étrangère, l'après-midi et la soirée se déroulent fort agréablement, et ne finissent même pas trop tard (le dîner à l'heure anglaise, ça a ses avantages).

Retrouvailles ensuite avec la faune étudiante internationale, toujours tassée dans une cuisine, et avec les joies de la présentation éclair à des parfaits inconnus qu'on sait qu'on ne reverra jamais, histoire de se souvenir d'où on vient, et où on retourne. Le lendemain sera lui tranquille, commençant lui aussi assez tard, d'ailleurs, au son mêlé du violon et de la techno d'un des colocs de Charlotte. Retour dans le couloir toujours ravagé du premier soir (ah ça, pour la débauche, y a du monde, pour le ménage, beaucoup moins...), le temps de motiver les troupes pour un circuit mancunien qui nous conduira devant l'hôtel de ville puis dans la magnifique bibliothèque néo-gothique fondée par John Rylands, toute en voûtes, vitraux et tables en bois sombre, et dont les étagères croûlent sous le poids des vieux ouvrages reliés de cuir rapé en latin, anglais, français, italien, allemand, espagnol...



Et puis, finalement, vient le temps de reprendre le chemin de la Piccadilly Station et de quitter la cité mancunienne pour aller retrouver les rues plus familères de Glasgow. Le voyage sera agrémenté par la surprise de se retouver en première classe - café compris - sans avoir rien demandé, pourtant (à côté d'un groupe d'Ecossais fort bruyants au demeurant).

vendredi 1 février 2008

Manchester, Jour 1

Vendredi 25 janvier 2008, 249e anniversaire de la naissance de Robert Burns. Le réveil s'agite vers 7h30 du matin, un train m'attend à Central Station à 8h40 - même si, techniquement, un café, un toast et une descente de colline-traversée diagonale de George Square puis de Buchanan Street plus tard, c'est moi qui vais arriver en premier, et donc attendre le train.
Direction : Manchester, England.
Objectifs : aller mettre à l'épreuve sur le terrain (comprendre, chez "l'ennemi") le caractère idiosyncratique ou non des idiosyncrasies qui font la fierté des Ecossais, changer d'air, et rendre visite à Charlotte, qui vient elle aussi de terminer son premier semestre, et qui attend elle aussi que commence le second.

En fait, Charlotte n'a pas complètement terminé son premier semestre, il lui reste un dernier compte-rendu de TP d'optique à affronter, ce qu'elle va s'effrocer de faire avant le week-end. Aux trois heures quarante de train qui séparent les deux villes (ah, les légendaires trains britanniques, qui ont toujours le mérite d'être confortables à défaut d'être rapides) vont donc succéder quelques autres heures d'errance/découverte de Manchester en solitaire. Sans plan, ni guide, ni indications sur les hauts lieux touristiques du coin, bien sûr, c'est là tout l'intérêt. Et c'est parti pour quelques heure d'errance-au-pif-à-travers-les-les-rues-mancuniennes, qui compteront pas mal de boucles et d'apparitions récurrentes des même places, bâtiments et noms de rue, mais pas de fourvoiement majeur, dieu merci.


Au premier abord, quand on vient de Glasgow, Manchester, c'est dépaysant sans vraiment l'être. Il y a les mêmes George Street, Cathedral Street ou autre King Street, les mêmes Starbucks tous les cent mètres, il y a même une statue de Wellington, tête nue ici (mais de toute façon, à Glasgow, ça fait des mois qu'il a perdu son couvre-chef) - n'en déplaise à Alex Salmond, l'Union du Royaume-Uni n'est pas si artificielle et absurde que ça. Ecosse-Angleterre, ou Blanc Bonnet et Bonnet Blanc, sauf que l'un des deux porte le kilt et récite des poèmes de Robert Burns avec un accent aussi imbuvable que l'Irn Bru qu'il sirote?
Pour couronner le tout, ce sont deux villes industrielles qui s'efforcent de sortir de plusieurs années de convalescence post-thatchérienne, sont envahies d'étudiants en mal de débauche sage, et où les grandes et riches bâtisses victoriennes font de l'ombres aux ruelles taguées et délabrées. Cieux gris, briques rouges. Accessoirement, ce sont deux villes bordéliques. Manchester est quand même plus petite, avec une palette plus rouge et plus sombre, et une atmosphère plutôt plus brute, plus triste et moins désinvolte. On s'attend presque à bousculer une chanson de Tom Waits titubante à chaque coin de rue, et on comprend assez vite d'où sort le rock névrosé et dépressif qui a fait beaucoup (même pas tout, hein, me faites pas dire ce que j'ai pas dit) de la personnalité musicale de la ville. Joy Division ou les Smiths, par exemple, ça ne pourrait en effet pas mieux coller (et c'est pas très étonnant, me direz-vous)...


Point positif pour qui a du temps à tuer et commence à tourner en rond parce qu'il ne faut pas s'aventurer trop loin, on est vite perdu, Manchester a son ancien quartier délabré en voie de reconversion par injection de communautés arty-délurées, organisé autour d'Oldham Street qui concentre friperies, brocanteurs de comics, arrières-cours transformé en atelier de tatouage ou en studio de décoration, cafés végétariens et disquaires indépendants. De quoi tuer une bonne heure, voire deux en prenant vraiment son temps, avant d'aller explorer (en s'y retrouvant toujours au hasard, faut-il le préciser) le centre plus rupin de la ville qui s'étire entre le Town Hall, King Street et une grande roue qui surplombe la cathédrale. Et puis... avec la nuit arrive finalement l'heure de la fin du match qui opposait Charlotte et le TP d'optique, qui sonne aussi la fin du flânage mancunien en solitaire, et le début de la vie en société et de l'immersion dans l'ethnie des Français en exil dans le nord anglais (bon, et des Anglais qui leur servent de voisins, aussi).


Car oui, contre toute attente, Manchester est un bon endroit pour qui veut voir une Parisienne, un Rennais, un Pipoteur originaire de Perpignan, un Lyonnais et un Grenoblois réunis autour du même plat de pâtes avant le début d'une des traditionnelles "corridor parties" qui constituent une des activités principales des freshers britanniques, et consistent peu ou prou à boire de l'alcool bon marché en s'entassant dans une cuisine de résidence universitaire puis dans le couloir attenant, au milieu de parfaits inconnus qui sont sans doute des amis d'amis du cousin de quelqu'un qui a été invité par un voisin d'une vague connaissance des organisateurs. Ca fini bien sûr tôt le matin par une jolie transformation du couloir en cimetière de canettes de bière arrosé du contenu des dites canettes et de la cuisine en capharnaüm indescriptible, mais ça n'est pas grave, puisque Charlotte habite dans une maison à 25 minutes à pied du lieu du forfait où nous ne sommes donc pas enfermées. Et donc, heureusement, ce premier jour à Manchester pourra s'achever au calme, loin des remous de la fin de soirée matinale et des relents de gueule de bois généralisée...

mardi 29 janvier 2008

Flux RSS, Heath Ledger, Glasgow Green, Robert Burns

Huit jours depuis le dernier post : et le retour, et les exams ont enfin été surmontés ; la vie reprend un train plus paisible, même si ce matin, dehors, le ciel fait toujours autant la gueule et la ville est toujours enveloppée dans une épaisse nappe d'humidité qui la fait suinter la pluie de toute part. Mais hier, il faisait beau (beau, à l'écossaise, c'est-à-dire qu'une moitié du ciel était d'un bleu éclatant, et l'autre moitié d'un noir inquiétant). Bref, entre les deux jours de grisaille qui ont vu éclore ces deux notes de blog consécutives, il y a eu, déjà, pas mal d'autres jours de grisaille, qui continuent de se rallonger, ce dont on ne va pas se plaindre - maintenant, on peut lever les yeux vers le ciel à 17h, et se rendre compte avec émerveillement qu'il ne fait pas encore complètement nuit!

Il y a aussi eu, comme se doit, de nombreuses heures en tête à tête avec des cours et des bouquins, passées entre une chambre trop silencieuse et une bibliothèque trop bruyante, à s'efforcer de faire fonctionner les derniers neurones encore disponibles pour retenir une date ou un chiffre de plus, ou simplement pour relire une quinzième fois un cours qu'on connaît déjà par coeur, mais, des fois que, sait-on jamais, mieux vaut être prudente, et de toute façon, rien de mieux à faire, hein.

Alors il y a eu quelques translations vers la cuisine, pour échanger quelques mots avec une autre dans le même état, avant de s'en retourner avec une tasse de thé, prétendant qu'on va bosser, alors qu'en fait, on va écouter la chronique d'Olivier Duhamel (qui gagne en saveur avec le dépaysement) et valser entre les flux RSS qui se multiplient dans la barre personnelle de Firefox, et qui disent souvent tous la même chose, mais pas pareil, et assomment à coup de gros titres encore plus implacables dans leur uniformité que leurs homologues sur papiers (tous la même taille, tous alignés, tous à égalités, se noyant les uns les autres dans un déluge de catastrophes, de distinctions, de faits divers glauques, de Sarkozys et de tennismen, de caucus américains et de voitures piégées, de hausse du prix du pétrole et de crise du MP3, de nouvelles élections truquées et de nouvelles pellicules projetées sur des écrans blancs à intervalles réguliers)
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Le lundi de Pentecôte va redevenir férié
Portraits du Pakistan : (1) Rabiah, femme médecin
Giuliani's worst nightmare
Alejandro Sanz se va de la lengua
Un superpréfet devrait coordonner le "chantier prioritaire" des sans-abri
M. Sarkozy veut une réforme radicale du système de recherche français
Taxpayers are victims of "War on drugs"
La viviendas hipotecadas caen un 15% en noviembre
Patrick Rambaud : "La comtesse Bruni? C'est le diable..."
Father killed over son's football
'I felt completely out of control'
Solo hay que seguir la linea del parabrisas
Laugh? You must be joking
Le fils de Nabokov va-t-il brûler un manuscrit de l'auteur de "Lolita"?
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Au milieu de tout ça, et des tribulations du Parlement écossais, un "L'acteur Heath Ledger retrouvé mort dans son appartement de New York"/"Hallado muerto el actor Heath Ledger"/"Actor Heath Ledger found dead" a fait son chemin, emporté dans cette avalanche continuelle d'évènements, pas plus grave, pas plus significatif que les autres, presque vide de sens dans son abstraction, perdu dans ce flot incessant. Pourquoi celui-ci retomberait-il plus lourdement sur la tête que les autres? Parce qu'il arrive au mauvais moment, parce qu'il est plus facile à se représenter, quelque part plus familier, plus simple aussi (il n'y a qu'une personne dans l'affaire ; pas de pourcentage, pas d'inflation, pas de villes dont on ne sait pas prononcer le nom correctement, pas de manoeuvre politicienne, juste une pilule de somnifère en trop)? Et puis Heath Ledger est mort comme Nick Drake, presque au même âge, une semaine après que j'ai vu pour la troisième fois le Robbie Clark dylanien auquel il a prêté ses traits dans I'm Not There s'écraser lamentablement en mobylette contre un arbre... Pas plus triste qu'une autre nouvelle, mais pas moins triste non plus, bizarrement, celle-ci résonne plus...
Et aussi, c'est un bon prétexte pour poster cette très jolie photo, et les prétextes pour poster de très jolies photos, ça ne se refuse pas, surtout dans un blog qui en manque (de très jolies photos) :


Il y a eu une énième balade dans la nécropole pour s'aérer la cervelle - entreprise d'ailleurs réussie, puisque ce jour-là (aussi gris que les autres), le vent soufflait des bourrasques à s'époumonner "Iiiiiiiiiiiidiot wind, blowing through the flowers on your tomb, blowing through the curtains in your room !". (Dylan, toujours Dylan, on ne se refait décidemment pas)

Enfin, il y a eu un dernier exam, celui sur le microcosme politique écossais, passé dans une église toute rouge, pendant que la neige refroidissait le premier jour de soleil depuis longtemps. Et puis le même jour, il y a eu le soulagement d'en avoir enfin fini, deux zucchini breads allégrement engloutis par les locataires du 4D, la découverte de Provand's Lordship (la plus vieille maison de Glasgow, habitée par un bonhomme en cire à l'air fort peu bonhomme qui effraie les gens qui s'aventurent dans sa chambre), et une balade qui nous (nous = Barbara et moi) fera traverser Glasgow Green sous un ciel clément et entrourées des effluves de brasseries (ahlala, vive la bière...). Ensuite il y a eu un essaim de cumulo-nimbus menaçant qui s'amoncelaient à l'horizon, une averse de grêle cinglante sous le soleil, un arc en ciel, et finalement le ciel qui retrouvait son gris de cérémonie, d'où un retour sous la pluie glacée et le vent glaçant.

Il y a eu une expédition collective de quatre colocataires qui réalisaient après plus de trois mois qu'elles vivaient ensemble, direction Sainsbury's, objectif : trouver du Haggis et une bouteille de vin pour célébrer dignement (et avec un jour d'avance) l'anniversaire du sieur Robert (aka Rabbie) Burns, sommité nationale. Le Haggis n'a d'ailleurs pas voulu bouillir dans la casserole, il a fini au micro onde, mais il était bon quand même. Ca doit être parce qu'on n'a pas récité en entier l'Adress to the Haggis... (écrite par Robert Burns, qui pensait à tout, même à ses fêtes d'anniversaires posthumes).


Après il y a eu un week end à Manchester (qui sera relaté ici en temps voulu, c'est-à-dire très imminemment bientôt), des adieux-pas-vraiment-adieux-mais-tristes-quand-même à Martina et Puisan, qui s'en vont, mais ne s'en vont pas vraiment, en tout cas pour l'instant elles sont toujours aux alentours, mais leurs chambres ne sont plus à elles, et deux nouvelles arrivantes américaines (Ashley, North Carolina - Megan, Georgia), un cours de yoga, et finalement la reprise des cours, oh combien épuisante ! (ou pas, hum)

D'où ce post bordélique (dont il est indiqué qu'il a été publié à 11:11, ce qui n'est pas vrai, mais faites un voeu quand même).