jeudi 21 février 2008

Oyez! Oyez!

Mesdames et messieurs, mesdemoiselles, fidèles lecteurs et lectrices de cet humble blog,

Ceci est une annonce de la toute première importance.
Car ce soir, quelque chose dans Glasgow a changé.

Oui, ce soir les Celtics ont perdus contre Barcelone, à la maison pour ne rien arranger. Mais ça, ça n'est pas très important, ça aura juste fait la joie des Catalans et, surtout, des Rangers (NDLB : les Glasgow Rangers, ce sont les footballeurs glaswegians aux maillots bleus. Ils sont protestants et ils haïssent cordialement les Glasgow Celtics, qui sont les footballeurs glasgwegians catholiques aux maillots verts et blancs, et qui le leur rendent bien. Mais les deux équipes sont sponsorisées par la même marque de bière, à savoir Carling, donc l'unité urbaine est sauve, car ce qui importe c'est ce qu'on boit après le match, n'est-ce pas?). Non, ce n'est pas ça l'évènement digne de cette soudaine résurrection de blog.

Oui, ce soir a eu lieu la quatrième "Jim Wilson's International Night" du second semestre, qui s'est tenue au Social sur Royal Exchange Square. Mais ça aussi, on s'en fout, ce n'était de toute façon pas une grande réussite. Ceci dit, il y a tout de même une leçon à en tirer : le Social, c'est tout pourri comme bar, et si vous allez à Glasgow, inutile de vous y arrêter. Vraiment.

Oui, aujourd'hui il a fait tout gris après une suite inimterrompue de quatre jours de soleil resplendissant, mais, franchement, il faut que j'arrête de ne parler que du climat dans ce blog, même si j'en conviens c'est important, c'est aussi lassant et un tantinet (mais juste un tout petit tantinet de rien du tout) répétitif.

Oui, ce soir la famille Osborne a présenté la cérémonie des Brit Awards, au cours de laquelle Kylie Minogue a chanté entourée de Power Rangers emballés dans du papiers cadeau luisant, où les Kaiser Chiefs ont joué au milieu de de gratte-ciel miniatures qui poussaient plus vite qu'Alice après qu'elle a mangé le mauvais champignon, et où Amy Winehouse est venue reprendre l'hommage à Valéry Giscard d'Estaing des Zutons d'une voix de plus en plus chevrotante qui laisse penser qu'elle a vieilli de 75 ans en 7,5 mois. Mais ça non plus, ça n'est pas bien intéressant, et en plus, ça s'est pas passé à Glasgow, et personne de Glasgow n'y a rien gagné.

Oui, aujourd'hui a été tellement dépourvu de la moindre petite once de péripétie que je n'arrive même pas à trouver une nouvelle idée pour prolonger un peu mon énumération, et ainsi faire habilement durer le suspens. Je ne vais donc plus pouvoir divaguer bien longtemps, et vais finir par être obligée d'en venir au fait, ce que je déteste, parce que, franchement, quel est l'intérêt d'écrire dans un blog, si c'est pour juste en venir au fait de la façon la plus concise et efficace possible?
Mais quand même, si je fais cette annonce à une heure si tardive, c'est que (à part que je n'ai pas sommeil, allez savoir pourquoi) j'ai quelque chose d'important à annoncer. Je devrais donc l'annoncer, avant que vous ne vous lassiez de mes détours pseudo-rhétoriques et n'alliez vous coucher, ou changiez de page web, ou je ne sais quoi encore.

La grande nouvelle de ce jour mercredi 20 février de l'an de disgrace 2008, annoncée avec un peu de retard le lendemain, est donc...

*trompettes et ensemble de cuivres arrangés par Mr. Mark Ronson, tout juste sacré meilleur artiste masculin britannique de l'année par l'académie des Brit Awards*
*roulements sur les tambours de Joey Castillo qui en profite pour faire rouler ses muscles*
*Cri d'allégresse de Michael Allan Patton, hurlant sous l'effet d'une pulsion inexplicable le nom de sa ville natale, à savoir "Euréka!"*
*Grognement rageur d'Archimède qui se retourne dans la baignoire de son tombeau, marmonnant "mais qu'est-ce que c'est encore que cet abruti qui me plagie sans me citer?! Non mais vraiment, la recherche, de nos jours, c'est plus ce que c'était!..."*
*Chute de pommes sur la poire d'Isaac Newton qui s'était endormi auprès de son arbre et aurait sans ça loupé la nouvelle*
*Quinte de toux de la Pompe à Air de Boyle qui s'est a moitié étouffée de stupeur en lisant le Léviathan*

.....

Mesdames et Messieurs, Mesdemoiselles, chers renards du campus de Strathclyde, j'ai le bonnheur et l'honneur de vous apprendre que le Sir Arthur Wellesley, Premier Duc de Wellington, a cette nuit, entre 22het 23h23, retrouvé son chapeau !
Depuis le mois de décembre, au moins, notre noble ami avait dû trôner tête nue, endurant toute la rigueur des gelées hivernales sans protection aucune. Une terrible injustice faisait que personne, non, personne ne daignait prendre la peine de le recoiffer. Mais aujourd'hui, une grande âme inconnue, mais qui mérite tous les honneurs, de la canonification à l'érection d'une statue en place de grève, a enfin pris la peine de remédier à ce terrible état des lieux qui n'en pouvait plus de durer... et a rendu son chapeau à notre ami Wellington.

Il est donc de retour, cet objet conique à rayures vermillon et blanche, qui normalement devrait servir à signaler les travaux et déviation sur les routes, mais qui à Glasgow sert à tout sauf à ça. Il est de retour, ce machin que les Américains appellent cone et les Canadiens pylon. Et désormais, trève de guerre sémantique entre voisins nords-américains, puisque la chose en question peut de nouveau être désignée par la périphrase "Wellington's hat"!

Surtout - surtout, cette nuit, Glasgow, qui n'était plus vraiment Glasgow sans son couvre-chef, est redevenu Glasgow, et les récents arrivants vont enfin connaître la ville telle qu'elle est réellement. All hail to the cone !


(car, n'en déplaise à mes amis canadiens, il faut dans Google Image taper "traffic cone" et non pas "pylon" pour trouver une telle image. Putain d'impérialisme étasunien à la con, tabernacle, je sais, mais c'est comme ça.) (Si j'osais, j'ajouterai un "Monsieur ou Madame inconnue qui a accompli cette oeuvre bienfaitrice à l'humanité, chapeau!... mais je n'ose point, car ce serait tomber bien bas, et que je ne me suis pas hissée très haut avec ce message) (et je crois que je vais arrêter là les dégâts. Car ça s'appelle du souillage d'honneur et d'intégrité virtuelle de blog, et si c'est pas encore puni par la loi, ça devrait l'être bientôt, parce que c'est vraiment pas joli-joli tout ça)

Je vous laisse donc libres de savourer la nouvelle avec tout le recueillement qu'elle mérite.
Merci de votre attention, vous pouvez désormais arrêter d'ouïr si vous le souhaitez.

samedi 2 février 2008

Manchester, sq. (jours 2 & 3)

Le vendredi s'était fini tard, le samedi a donc commencé tard... Mais pas trop, parce qu'il fallait aller récupérer un lot de flyers promouvant le groupe émergeant (George Acan, ou quelque chose comme ça, si ma mémoire ne me joue pas trop de tour) dont Charlotte et une de ses co-exilées essaye de diffuser le nom (avec plus ou moins de succès, cf mes doutes). Rendez-vous donc avec le monsieur en manteau noir et cheveu blanc qui a pris les musicien sous son aile et qui, aidé par les revenus conséquents que lui ont apporté ses années de services à une firme de chimie, finance une opération de promotion visant à aboutir sur un contrat avec une maison de disque avant la fin de l'année. Le rendez-vous a été donné devant un café végétarien pour le transfert de la marchandise (en papier), et nonobstant une petite embrouille autour d'un sucre qui a plongé dans un café noir alors qu'il aurait dû finir dans un café au lait, qui se solde sur l'abandon par Charlotte de son employeur avec deux tasses de café fumant dans les mains, nous avons vite fait d'aller réveiller les Français qui vivent parmi les restes du champ de bataille qui fut festif la veille au soir.

D'ailleurs ce détour n'avait pas vraiment d'autre but que de tirer de pauvres âmes épuisées d'un sommeil réparateur, parce que ce n'est pas avec eux que nous avons prévu de passer la journée : direction le centre de Manchester, pour marcher en prenant notre temps vers le seuil de l'hôtel Hilton de la ville. Non, pas de repas de luxe au programme, mais un rendez-vous avec des vrais anglais, amis de mes parents (et de moi, en fait, aussi), qui ont la gentillesse de venir nous chercher en voiture pour nous emmener chez eux, à Chester (une cinquantaine de kilomètres plus loin). Changement radical d'ambiance, des couloirs rudimentaires de la résidence universitaire auconfort chaleureux de la maison familiale anglaise.. Et, entre les jeux des deux petits garçons de 6 et 9 ans, le thé, les chocolat, suivis de l'apéritif, puis du repas à proprement parler (poulet rôti-salade-riz à l'iranienne puis cheesecake à la vanille), et les discussions avec les parents sur des sujets allant de "Avons-nous le droit, en tant qu'humains, de ne pas disparaître?" à "Google marque-t-il la mort de l'éducation et de la curiosité?" en passant par la qualité de vie londonienne et l'apprentissage en immersion d'une langue étrangère, l'après-midi et la soirée se déroulent fort agréablement, et ne finissent même pas trop tard (le dîner à l'heure anglaise, ça a ses avantages).

Retrouvailles ensuite avec la faune étudiante internationale, toujours tassée dans une cuisine, et avec les joies de la présentation éclair à des parfaits inconnus qu'on sait qu'on ne reverra jamais, histoire de se souvenir d'où on vient, et où on retourne. Le lendemain sera lui tranquille, commençant lui aussi assez tard, d'ailleurs, au son mêlé du violon et de la techno d'un des colocs de Charlotte. Retour dans le couloir toujours ravagé du premier soir (ah ça, pour la débauche, y a du monde, pour le ménage, beaucoup moins...), le temps de motiver les troupes pour un circuit mancunien qui nous conduira devant l'hôtel de ville puis dans la magnifique bibliothèque néo-gothique fondée par John Rylands, toute en voûtes, vitraux et tables en bois sombre, et dont les étagères croûlent sous le poids des vieux ouvrages reliés de cuir rapé en latin, anglais, français, italien, allemand, espagnol...



Et puis, finalement, vient le temps de reprendre le chemin de la Piccadilly Station et de quitter la cité mancunienne pour aller retrouver les rues plus familères de Glasgow. Le voyage sera agrémenté par la surprise de se retouver en première classe - café compris - sans avoir rien demandé, pourtant (à côté d'un groupe d'Ecossais fort bruyants au demeurant).

vendredi 1 février 2008

Manchester, Jour 1

Vendredi 25 janvier 2008, 249e anniversaire de la naissance de Robert Burns. Le réveil s'agite vers 7h30 du matin, un train m'attend à Central Station à 8h40 - même si, techniquement, un café, un toast et une descente de colline-traversée diagonale de George Square puis de Buchanan Street plus tard, c'est moi qui vais arriver en premier, et donc attendre le train.
Direction : Manchester, England.
Objectifs : aller mettre à l'épreuve sur le terrain (comprendre, chez "l'ennemi") le caractère idiosyncratique ou non des idiosyncrasies qui font la fierté des Ecossais, changer d'air, et rendre visite à Charlotte, qui vient elle aussi de terminer son premier semestre, et qui attend elle aussi que commence le second.

En fait, Charlotte n'a pas complètement terminé son premier semestre, il lui reste un dernier compte-rendu de TP d'optique à affronter, ce qu'elle va s'effrocer de faire avant le week-end. Aux trois heures quarante de train qui séparent les deux villes (ah, les légendaires trains britanniques, qui ont toujours le mérite d'être confortables à défaut d'être rapides) vont donc succéder quelques autres heures d'errance/découverte de Manchester en solitaire. Sans plan, ni guide, ni indications sur les hauts lieux touristiques du coin, bien sûr, c'est là tout l'intérêt. Et c'est parti pour quelques heure d'errance-au-pif-à-travers-les-les-rues-mancuniennes, qui compteront pas mal de boucles et d'apparitions récurrentes des même places, bâtiments et noms de rue, mais pas de fourvoiement majeur, dieu merci.


Au premier abord, quand on vient de Glasgow, Manchester, c'est dépaysant sans vraiment l'être. Il y a les mêmes George Street, Cathedral Street ou autre King Street, les mêmes Starbucks tous les cent mètres, il y a même une statue de Wellington, tête nue ici (mais de toute façon, à Glasgow, ça fait des mois qu'il a perdu son couvre-chef) - n'en déplaise à Alex Salmond, l'Union du Royaume-Uni n'est pas si artificielle et absurde que ça. Ecosse-Angleterre, ou Blanc Bonnet et Bonnet Blanc, sauf que l'un des deux porte le kilt et récite des poèmes de Robert Burns avec un accent aussi imbuvable que l'Irn Bru qu'il sirote?
Pour couronner le tout, ce sont deux villes industrielles qui s'efforcent de sortir de plusieurs années de convalescence post-thatchérienne, sont envahies d'étudiants en mal de débauche sage, et où les grandes et riches bâtisses victoriennes font de l'ombres aux ruelles taguées et délabrées. Cieux gris, briques rouges. Accessoirement, ce sont deux villes bordéliques. Manchester est quand même plus petite, avec une palette plus rouge et plus sombre, et une atmosphère plutôt plus brute, plus triste et moins désinvolte. On s'attend presque à bousculer une chanson de Tom Waits titubante à chaque coin de rue, et on comprend assez vite d'où sort le rock névrosé et dépressif qui a fait beaucoup (même pas tout, hein, me faites pas dire ce que j'ai pas dit) de la personnalité musicale de la ville. Joy Division ou les Smiths, par exemple, ça ne pourrait en effet pas mieux coller (et c'est pas très étonnant, me direz-vous)...


Point positif pour qui a du temps à tuer et commence à tourner en rond parce qu'il ne faut pas s'aventurer trop loin, on est vite perdu, Manchester a son ancien quartier délabré en voie de reconversion par injection de communautés arty-délurées, organisé autour d'Oldham Street qui concentre friperies, brocanteurs de comics, arrières-cours transformé en atelier de tatouage ou en studio de décoration, cafés végétariens et disquaires indépendants. De quoi tuer une bonne heure, voire deux en prenant vraiment son temps, avant d'aller explorer (en s'y retrouvant toujours au hasard, faut-il le préciser) le centre plus rupin de la ville qui s'étire entre le Town Hall, King Street et une grande roue qui surplombe la cathédrale. Et puis... avec la nuit arrive finalement l'heure de la fin du match qui opposait Charlotte et le TP d'optique, qui sonne aussi la fin du flânage mancunien en solitaire, et le début de la vie en société et de l'immersion dans l'ethnie des Français en exil dans le nord anglais (bon, et des Anglais qui leur servent de voisins, aussi).


Car oui, contre toute attente, Manchester est un bon endroit pour qui veut voir une Parisienne, un Rennais, un Pipoteur originaire de Perpignan, un Lyonnais et un Grenoblois réunis autour du même plat de pâtes avant le début d'une des traditionnelles "corridor parties" qui constituent une des activités principales des freshers britanniques, et consistent peu ou prou à boire de l'alcool bon marché en s'entassant dans une cuisine de résidence universitaire puis dans le couloir attenant, au milieu de parfaits inconnus qui sont sans doute des amis d'amis du cousin de quelqu'un qui a été invité par un voisin d'une vague connaissance des organisateurs. Ca fini bien sûr tôt le matin par une jolie transformation du couloir en cimetière de canettes de bière arrosé du contenu des dites canettes et de la cuisine en capharnaüm indescriptible, mais ça n'est pas grave, puisque Charlotte habite dans une maison à 25 minutes à pied du lieu du forfait où nous ne sommes donc pas enfermées. Et donc, heureusement, ce premier jour à Manchester pourra s'achever au calme, loin des remous de la fin de soirée matinale et des relents de gueule de bois généralisée...