jeudi 24 avril 2008

Praha (lundi)

Lundi, par contre, sera assez épique. Martina a cours de 9h à 16h... je vais donc me retrouver en tête-à-tête avec la République Tchèque pour quelques heures, armée d'une carte de Prague (et d'un petit guide, sait-on jamais), d'un parapluie, et d'un bout de papier sur lequel Martina m'a écrit le sésame de tout adepte des transports en commun, la formule magique qui permet d'acheter un ticket de bus au conducteur.

Dobry den, jeden listek za tricetdva krony, prosim.

Dobry den, jeden listek za tricetdva krony, prosim.

Dobry den, jeden listek za tricetdva krony, prosim.

(il a fallu que je me le répète mentalement plusieurs fois avant de me diriger vers le bus. Mais ça a marché, je m'en souviens maintenant.)



Ben prendre le bus dans une petite ville de la banlieue Praguoise, quand on connaît (1, 2, 3... 8), 8 mots en Tchèque plus le nom de l'arrêt où on doit descendre, c'est pas si facile. Surtout quand on est pas douée et qu'on s'emmêle les pinceaux dans les horaires, qu'on arrive une demi-heure avant le bus, qu'on essaye de prendre celui qui va dans la mauvaise direction, même si un gentil monsieur est venu nous expliquer que c'était la mauvaise direction, mais comme il paralit tchèque, on n'est pas sûr d'avoir compris, et que pour couronner le tout, il pleut sans discontinuer. MAIS - mais, j'ai fini par y arriver, et me retrouver frigorifier dans le centre de Prague, où il pleut toujours autant, d'ailleurs.

Le petit papier laissé par Martina a accompli sa mission; le parapluie aussi, mais la sienne n'est pas encore achevée. C'est au tour de la carte d'intervenir, mais de toute façon je n'ai pas *vraiment* envie de m'en servir trop, parce que j'ai FROID, et il PLEUT, et dans ce cas, on n'erre pas dans une ville en flânant, on cherche un endroit abrité où se réfugier.
... il se trouve que l'endroit le plus proche pour s'abriter (enfin, le premier que je trouve) qui soit un peu plus vaste qu'un disquaire est le Narodni Muzeum (Musée National, géologie, zoologie, anthropologique, etc, ce genre de trucs), qui, oh miracle, est gratuit le premier lundi de chaque mois, m'a dit mon guide (même si je préférais mon explication, selon laquelle le musée avait été gratuit parce qu'il était gratuit les jours de pluie, ce qui par ailleurs aurait expliqué la gratuité permanente des musées écossais, mais, non.)
Comble de l'ironie pour mes pieds frigorifiés en voie de glaciation, il y a une exposition temporaire sur... les pieds. Ou comment réunir des objets qui n'ont ABSOLUMENT rien en commun, à part, euh, d'avoir de près ou de loin trait à la podologie/graphie/morphie. Bon et puis il y a une tête de mammouth empaillée (sans le corps hélàs) (pas dans l'expo sur les pieds, hein, rien à voir!), donc je suis heureuse.



Ensuite, il pleut toujours, donc, second refuge, un café. Et ensuite, il pleut toujours, mais il faut que je songe à aller rejoindre le métro pour aller rejoindre Martina, alors, bravons les éléments, fidèle parapluie!

...

Le parapluie a succombé, affaibli par de durs mois de labeurs impitoyables sous la pluie battante et le vent infatigable de l'Ecosse. Paix à son âme. Il fut un bon et loyal serviteur.
[minute de silence]

...

[une minute plus tard]

Une fois Martina retrouvée, grâce à l'aide (chaotique) de la carte, heureusement, tout va redevenir simplement. Déjà, il faut dire, il ne pleut plus. Et aussi, Martina, elle, sait où elle va. Ca aide. (Elle va d'abord chez elle poser son ordinateur portable et dîner, mais c'est assez peu intéressant dans cette affaire).
Moi, par contre, je ne sais pas trop où elle va, mais je la suis. C'est comme ça que je me retrouve dans un parc en haut de la colline de Vysehrad, de nuit, à surplomber Prague sous la clarté de la Lune, avec les ombres des ruines d'un vieux château et d'un cathédrale encore entière derrière moi. (et que je me dis que mieux vaut parfois suivre le sgens qui savent où ils vont, mais quand on ne sait pas soi-même où c'est, que se paumer en errant)

Quelques trajet en tram plus tard, je me retrouve à l'autre bout de Prague, et aussi à l'autre bout du nuancier des ambiances, dans un bar-repère-de-freaks-intoxiqués, où la bière n'est pas bonne (pourtant, la bière Tchèque, c'est bon), où la musique joue les apprentie en hypnose, mais où la décoration à elle seule justifie (et rentabilise) le déplacement... des vieux bouts de moteurs, des roues de tracteurs, des engrenages, des fonds de tiroir de quincaillers, des ampoules de couleurs ont été assemblés pour transforer le lieu en une gigantesque sculpture mécanique mouvante, clignotante, mutante. On s'assied dans des sièges piqués à un cadavre de bus, et, la bière aidant, on fini par se convaincre, que, si, cet endroit est parfaitement normal, même s'il semble défier toutes les lois de la physique et de l'habitude. Où je suis, je sais pas, mais, ouah. (oui, et ce matin, j'étais paumée sous la pluie à attendre un bus qui ne parlait pas ma langue.......)

Praha (dimanche)

Le dimanche, je n'ai pas vu Prague.



Martina profite de la voiture paternelle pour m'emmner au Chateau Konopiste, où, d'ailleurs, elle n'est jamais allés, et où il y a des ours qui gardent les douves (et y vivent - dans les douves, pas dans le château. Mais quand ils meurent, on les empaille, et on les installe dans une pièce du château. Du coup, les ours vivent presqu'enterrés, et doivent attendre d'être morts pour se voir octroyer une demeure au-dessus du sol. C'est comme ça.) Je n'ai pas compris grand chose à la visite guidée, parce que 24h ça ne m'a pas suffit à maîtriser le tchèque, même si Martina me traduit l'essentiel (par exemple, l'histoire des ours).

...

Apparemment, le château date du XIIIe siècle, et est passé de familles nobles en familles nobles avant d'être acheté par l'Archiduc François Ferdinand (celui qui sera assassiné à Sarajevo-et-vous-connaissez-la-suite, et qui, quelques 80 ans plus tard, aura un cheval de course baptisé en son honneur, qu'une bande de jeunes Glaswegiens verra franchir la ligne d'arrivée avant de décider de nommer leur groupe de rock en son honneur-et-vous-connaissez-la-suite, qui n'est pas une guerre mais Take Me Out. Eux sont devenus riches, mais pas assez pour se payer un château en Bohème, ni pour se faire assassiner à Sarajevo d'ailleurs. C'est comme ça.)
Ah oui, et il est aussi réputé pour son impressionnante collection d'armes qui est, effectivement, impressionnante. Comment on peut avoir autant de pistolets, d'armures et de gourdins entreposés chez soi, et quand même réussir à se faire assassiner, ça me dépasse un peu, mais peut-être qu'il n'y avait pas encore tout ça du temps où des gens vivaient encore dans cette humble demeure.
Et puis il y a l'électricité (d'époque), et un ascenseur (d'époque), et des murs recouverts de trophées de chasses. Il y a aussi un "harem", surnommé ainsi pour sa décoration vaguement orientalo-arabisante. Bien sûr, c'était la seule pièce du château interdite aux hommes. (Na ! )



Après, Martina doit travailler, sa mère a préparer un dîner pour le soir, et, de toute façon, je suis encore un peu fatiguée... pas tellement plus de péripéties en ce jour du seigneur, du coup.

Praha (samedi)

J'ai de la chance, j'ai un guide de premier choix, qui parle anglais, que je connais bien et apprécie au moins autant, et qui en plus a grandi aux abords de la ville. C'est une bonne chose, parce qu'avec la nuit quasiment blanche qui me poursuit, je n'aurais pas donné cher de ma personne (et de mon orientation) dans une ville inconnue. Je peux suivre, sans me poser de questions, sans avoir besoin de me fatiguer à déchiffrer une carte, sans avoir à me demander comment comprendre les gens et me faire comprendre d'eux. Et... comme Martina fait les choses bien, je passe devant la plupart des principales attractions touristiques de la ville.
Le château... le fameux Karlov Most (oui, celui qui est sur toutes les photos de Prague, et qu'il faut voir en photo -ou de nuit- pour le voir vraiment, tant il fourmille de touristes de jour), la vieille place et la fameuse horloge à marionettes, les ruelles du vieux Prague... pour finalement traverser la Vlatva et escalader la colline des Jardins Letna - que, bizarrement, j'ai reconnu instantanément, bien que je ne l'aie jamais vue ailleurs qu'entre les lignes de L'Insoutenable Légéreté de l'Être. Et ensuite, me noyer dans le flot opaque de la conversation d'un groupe d'étudiants tchèques, en me laissant bercer par les son d'une langue totalement étrangère. De temps à autre un "francuska", "pariji" ou "glasgow" qui sonne familier me tire de ma vague torpeur pour m'indiquer que, tiens, ils doivent parler de moi, là...


Il n'est pas si tard quand on rentre (par le train, pour une fois pas de bus!), mais la nuit est noire et dense, beaucoup plus qu'à Glasgow que des ampoules jaunâtres privent du luxe de disparaître sous la couverture sombre du ciel nocturne. Il y a des étoiles dans le ciel, ce qui, même si on oublie de s'en rendre compte, à force, n'est jamais le cas à Glasgow (et je ne sais pas pourquoi).


samedi 19 avril 2008

Praha (prologue)

Tout a commencé par un mail envoyé à Martina (regrettée coloc tchèque du premier semestre, qui s'est échappée dès qu'elle l'a pu de la solitude bleutée de l'hiver glaswegien pour retrouver la banlieue pragoise), dans une quête de manières d'échapper à la solitude bleutée potentielle d'un spring break glaswegien. "Dis, je peux venir dans dix jours ? " - question enrubannée et enrobée des politesses d'usage et des inévitables digressions qui s'imposent dès qu'on tente d'écrire quelque chose à un(e) ami(e). "Oui ! " enthousiaste en réponse, achat de billets d'avions, (Edimbourg-Prague, Prague-Paris, Paris-Glasgow, ou comment se ruiner en 30 minutes et autant de clics), et voilà la morne perspective de deux semaines à croupir dans un campus déserté définitivement éludée.
[D'autant plus éludée qu'en parallèle, un mail avait été envoyé à Morgane - Bretonne en exil écossais qui préparait en tandem avec Michael, débarqué il y a trois mois de l'Indiana, une expédition à destination des Hébrides extérieures pour la deuxième semaine d'avril : "Dis, je peux venir avec vous dans vingt jours ?", même réponse ou à peu près. Ou comment associer les compagnies de bus à son entreprise de ruine au profit de l'industrie des transports. Mais ça, c'est une autre histoire, qui viendra en temps voulu.]

Pour de vrai, tout à commencé samedi 5 avril à 2h00 du matin, au son d'un réveil qui jouait à faire semblant que la nuit était finie, même si elle n'avait en fait duré qu'une petite demi-heure. Alors, j'ai continué de faire semblant que la nuit était finie, même si la couleur du ciel s'obsitnait à me hurler le contraire. Douche, thé, tout comme si c'était le matin, et puis attraper le sac, les clés, sourire en lisant le post-it d'au-revoir collé par Barbara sur la porte ("Have an amazing time in Prague and hug Martina for me !!!", ou quelque chose d'approchant), sortir, et descendre Cathedral Street en direction de Buchanan Bus Station, en complet déphasage d'avec les créatures croisées en chemin, qui elles font semblant que la nuit n'a pas commencée. Pas ma faute si mon avion décolle d'Edimbourg à 7h30, et s'il n'y a ni bus ni train qui relient Glas' et Ed' entre 3h et 6h30.

Contre toute attente (ou pas), il y a du monde dans les rues du centre de Glasgow à 2h45 dans la nuit du vendredi au samedi, et il y a même du monde qui prend le bus de 3h pour Edimbourg. Du monde bien éthylé et fraîchement (ahem - mauvais mot) sorti des clubs, mais du monde quand même. Donc, apparemment et contre toute attente, il y a des gens qui viennent d'Edimbourg simplement pour passer leur vendredi soir à la Strathclyde Union, ce qui est une drôle d'idée, mais ne jugeons pas. Il y a aussi du monde dans les rues du centre d'Edimbourg aux alentours de 4h du matin, à moins que ce ne soit que les gens qui sortent du bus et ceux qui attendent la première navette pour l'aéroport parce que leur avion est matinal, je ne sais pas trop. La nuit va bien à Edimbourg en tout cas. Et j'aurais vu Prince's Street déserte au moins une fois dans ma vie, ce qui n'était pas gagné d'avance.

Sur la route vers l'aéroport, les choses se normalisent petit à petit, à mesure que l'heure avance. Mais la nuit commence à peser sérieusement, jusqu'à s'effondrer sur mon front pendant que j'attend l'ouverture de l'enregistrement, posée sur un siège de l'aéroport. Après, toute n'est qu'une affaire d'équilibre entre le somnanbulisme et l'auto-suggestion que si, voyons, bien sûr que j'ai dormi cette nuit, et que c'est le matin, quelle question, d'ailleurs ce n'est pas un café que je suis en train de boire? En plus, le soleil se lève, alors, la question ne se pose même plus. Matin. Réveil. Si, si... (Tout ça pour passer les 2h30 de vol dans les bras de Morphée....)

Et l'engin se pose en territoire tchèque. Une heure s'est perdue en route, mais je suis entière... et, on va dire, pas trop ensommeillée. Il fait beau, la matinée est bien avancée dans cet autre pays qui vit et bourdonne dans un langage mystérieux, et Martina m'attend (présence improbable ici, bien que ce soit son pays - mais ce n'est pas celui dans lequel je la connais) (bulle anglophone de sécurité, ancre d'amitié qui comprend le trafic des bus et connaît le chemin vers un toit et un matelas).

Prague donc, commence par l'aéroport, des nouvelles rapportées de Glasgow échangées contre celles du cru, un premier bus (il y en aura beaucoup d'autres), et la performance orchestrée des jets/jeux d'eau du centre commercial de Zlicin (en attendant un deuxième bus). Parce que dans les centre commercials pragois, ou en tout cas dans celui de Zlicin tout au bout de la ligne de métro B, le temps est rythmé par une fontaine qui se donne en spectacle et danse dix minutes au début de chaque heure. Au centre de Prague il y a une vieille horloge qui fait pareil, sans jets d'eau mais avec douze apôtre qui apparaissent à la fenêtre pour saluer la foule pendant qu'une marionette de la Mort fait tinter une cloche. Mais ça, ce sera quelques heures (et quelques bus/métro/trams) plus tard, après un détour par Hostivice (petite ville adjacente de Prague, mais on se croirait profondément avancé dans la campagne) et la maison toute neuve, toute belle, toute calme de la famille Sykorova.

(photo pas de moi parce que mon appareil photo est en grêve prolongée pour cause d'allergie aux piles neuves. © Google images)

mardi 1 avril 2008

Monsieur le Révérend de Paisley et sa guitare.

Glasgow est la troisième ville du Royaume-Uni. Ca n'est pas pour autant une métropole gigantesque, mais tout de même une ville de taille respectable, avec son centre fourmillant, son quartier décomplexé un peu bohème, ses coins résidentiels gentiment intimidant, ses rues encadrées de bureaux cachés derrière les façade majestueuses et impassibles de maisons victoriennes, ses tours et bloc d'immeubles tristes et gris, ses recoins délaissés et délabrés, ses ruelles glauques et ses chantiers poussièreux. Et les habitants, les passants, les mendiants, les étudiants, les marchands. [Tout ça, je l'ai déjà plus ou moins dit ici, mais mon penchant affirmé pour les digressions introductives et mon besoin de m'échauffer un peu, depuis le temps que je n'ai pas écrit dans ce blog, me poussent à le répéter avant d'en venir au fait. Je continue, donc.] Pour égayer toutes ces pierres et occuper tout ces gens, il y a des cinémas, des théâtres, des musées, des parcs, des pubs, des clubs - Glasgow est la troisième ville du Royaume-Uni, on a dit. Parfois en vrac, parfois en grappe.

En grappe, comme sur Sauchiehall Street. Sauchiehall Street est difficilement contournable par l'apprenti glasgwegian, puisque c'est une des principales artères de la ville, grande ligne qui sur la carte relie les tréfonds de West End au centre névralgique qu'est Buchanan Street. Alors, mieux vaut apprendre à prononcer son nom: dans Sauchiehall Street, il y a "ch", cette sonorité bizarre entre le [k] et le [h] aspiré vaguement teintée d'une ombre de [r] étouffé, qui infeste les noms alambiquées des gares de la cambrousse écossaise : Balloch, Lochwinnoch, Drumgelloch, Lochgelly, Lochuichart, ce genre de trucs imprononçables... Bref, ça nous donne quelque chose du genre "Sokh'ieh'ol Strit" (et pas "Saucissol", ni "Sushihall").
Une fois qu'on sait prononcer ça (enfin, avant de savoir, c'est autorisé aussi), on peut aller découvrir les charmes de la rue, pas très belle en fait, mais qui peut se vanter d'avoir une des sinon la plus forte concentration de pubs, bars, clubs, salles de concerts et autres antres où occuper ses soirées de Glasgow. [et là, enfin, je ne vais pas tarder à en venir au fait]

Une des ces antres porte le doux nom de Nice'n' Sleazy, que je ne traduirai pas pour la simple et bonne raison que je n'arrive pas à trouver de traduction convenable (un "chic et pas cher" version trash, peut-être. ou peut-être pas.), mais qui accessoirement est aussi le titre d'une chanson des Stranglers, si vous voulez tout savoir. Quand on rentre, il y a deux portes peintes en rouges; l'une mène au bar, l'autre mène à la cave. Il faut prendre celle qui mène à la cave, évidemment, mais pas n'importe quel jour. Il faut y aller un lundi, à partir de 20h, si on veut voir Monsieur le Révérend de Paisley et sa guitare, entouré de son Eglise iconoclaste.

En guise de chaire, une scène ; en guise d'autel, un ampli et un micro ; en guise de relique, une vieille guitare folk qui en a vu d'autres ; en guise de fidèles, une assemblée relativement jeune d'étudiants fatigués, de glasgwegiens décalés et de musiciens discrets ; en guise de prière, des chansons, et en guise d'ostie du pop corn au caramel, que le maître de cérémonie fait passer dans le public entre deux performances.
Grand chauve aux airs de mulots, à mi-chemin entre un gangster sympathique et un Monsieur Loyal qui aurait perdu sa moustache, le maître de cérémonie quand il ne distribue pas du pop corn, invite l'assistance à s'installer aussi confortablement que possible, demande le silence, et présente les musiciens, qui se succèdent sur le tabouret sur la scène pour jouer chacun une chansons. Il y a par exemple "la Reine du Sleazy" aux airs de Boucle d'Or et à la voix angélique, qui chante sur les librairies, Thomas, comme "toucher était lire et lire était savoir et savoir était possible". Ou le brun aux cheveux trop longs cachés sous un gros bonnet de laine grise qui reprend Keep The Car Running en se montrant à lui seul presque aussi convaincant que toute la clique de Win Butler et Régine Chassagne. Ou le duo Tchèque. Ou cet autre duo qui joue First Day Of My Life. Ou le folkeux qui reprend une chanson de Richard Thompson parce que Supergrass joue au Cropredy Festival, en expliquant que "the folkies among you will understand the connection" (parce que Richard Thompson est un des membres fondateurs de la Fairport Convention, qui est à l'origine du Cropredy Festival et l'organise et le clôt en août tous les ans depuis les seventies, merci Wikip' mon bon ami de me permettre de ne pas faillir à ma réputation de folkie).

Au milieu de cette coalition mouvante trône Monsieur le Révérend de Paisley, qui vient jouer tous les lundi des chansons sur les crottes de nez de son neveu ou les déceptions amoureuses d'un exilé en URSS de sa voix grave et modulable, colorée par un accent écossais (n'est pas révérend de Paisley qui veut) et accompagnée de sa fidèle guitare. Monsieur le Révérend de Paisley est grand, mince, avec un bouc chatain et peut-être un faux air de prêtre païen, mais il n'a pas de soutane, et c'est heureux. Monsieur le Révérend de Paisley et sa guitare démontrent aussi que New York n'a pas le monopole de l'antifolk, qui n'est d'ailleurs pas du folk du pauvre, ni du folk sans queue ni tête, juste du folk qui se prend pas la tête car il n'a pas peur de la perdre. Enfin, en fait, Monsieur le Révérend de Paisley et sa guitare ne cherchent sans doute pas à démontrer quoique ce soit, ils rappellent juste que la musique, c'est comme le vin, les caves et les bars lui font du bien. Et ce que la musique de Monsieur de Révérend de Paisley et de son Altesse la Reine du Sleazy a, que le vin n'a pas, c'est qu'elle se marie très bien avec les pop corn au caramel.

www.nicensleazy.com