mercredi 19 mars 2008

Béatrice uncovered


Au péril de leurs vies, deux Scubiennes ont infiltré le domicile béatricien. Abusant de son thé, de ses scones et cookies, elles n'ont pourtant pas oublié leur mission première, vous raconter, enfin, la VRAIE vie de Béatrice en Ecosse.

Pressées par le temps, nous irons à l'essentiel....

1°) Béatrice est une étudiante bobo. Elle achète des bananes Max Havelar. Qui a les moyens d'acheter des bananes fair trade? tout cela est louche, elle doit gagner de l'argent quelque part (traffic d'organes? huhu)

2°) Béatrice boit sa Guinness plus vite que Viviane et c'est vexant pour elle. Et Béatrice a semble t'il moult entrainement, cf. cliché révélateur

3°) Béatrice aime les épingles à nourrice géantes.

4°) Béatrice a des nouvelles chaussures, mais elles ne sont pas rouges. (Béatrice va donc s'acheter des chaussures rouges. Et du Cheddar rouge.)

5°) Béatrice a une Bible dans sa chambre ou sèchent des fleurs dédiées au Seigneur. Ont été vues page 854 une joncquille et page 486 une fleur jaune non identifiée.

6°) Béatrice achète du camembert au lait frais parce qu'il "peut contenir des bactéries".

7°) Béatrice n'a pas le droit d'entreposer des traffic cones et des barrières dans son appartement cf. Birkbeck Court Regulation 845-3 (mais ses voisins le font)

8°) Béatrice est à la diète écossaise. Et ça fait peur, parfois.

9°) Béatrice va en cours, mais pas assez longtemps pour que nous puissions tout exposer. Elle arrive! aaahhhh



lundi 10 mars 2008

Uh? merica...

"Uh? merica" ?Drôle de titre (que j'emprunte à une chanson de Regina Spektor, rendons à César ce qui est César) pour quelqu'un qui écrit depuis l'Ecosse, me direz vous... Eh bien, oui, mais non, vous répondrai-je, parce qu'il se trouve que je crois bien avoir rencontré ici plus d'Américains que d'Ecossais... Je rajouterais bien que je connais un nombre relativement impressionant d'Américains pour quelqu'un qui n'est jamais allé à l'ouest de Porto, mais là n'est pas le sujet.

Pourtant, des Américains, il y en a, mais pas tant que ça. Je ne suis même pas sûre qu'il y en ait tellement plus que de Canadiens, alors qu'il y a quasiment un rapport de 1 à 10 entre les populations des deux pays. Mais il y en deux dans mon appartement, alors, difficile de passer complètement à côté.

Megan et Ashley, que j'ai déjà rapidement évoquées il y a quelques semaines, viennent du Sud - comme l'écrasante majorité des Américains exilés ici. Pourquoi une telle invasion de Sudistes, dans un pays aussi froid, sombre et humide que l'Ecosse, je n'en ai ma foi pas la moindre idée, mais j'observe. Caroline du Nord, Caroline du Sud, Tennessee, Georgie, Arkansas, Texas, Virginie...
Megan et Ashley ont prévenu, dès les premiers jours, qu'il ne fallait pas juger les Etats-Unis sur leur image et leur comportement. Heureusement, suis-je tentée de dire...

Parce qu'il m'a suffit de quelques semaines dans un appart fréquemment envahie par une cohorte gloussante, piaillante, pécorante, ricanante, rotante, jurante, composée de mes colocs et de leurs compatriotes-amies, pour me rappeler ou m'apercevoir que les Etats-Unis, c'est...

le Coca Cola par litres, parce que l'eau n'a pas assez de goût,
les croques-monsieurs frits dans le beurre dès qu'on a un petit creux
les placards remplis de boîtes de gâteaux, brownies et pancakes en poudres
un humour à peu près aussi gras que la nourriture
un vocabulaire qui oscille du "It's soo awesome and delicious and great and cool" au "Sluts, get up goddamn motherfuckers an ' you fuckin' bitches"
le rot sonore et prolongé comme ponctuation du quotidien
une quasi-ignorance de l'état du monde au delà des frontières de son petit univers ("Hitler, il était fasciste ou socialiste?" ... "Et donc, Cuba, c'est fasciste, c'est ça?")
une tendance subséquemment exacerbée à rire de l'ignorance des autres
les discussions interminable sur les stars du college football
la crainte de la décadence des moeurs qui croque les jeunes dans leur berceau en passant par les écrans
la télé toujours allumée, avec le plus de chaînes possible (4 chaînes, ça n'est pas la télé, il faut acheter un décodeur pour en avoir cinquante de plus)
les Backstreet Boys, High School Musical, Dan Cook, Rupert Murdoch
des girls movies, des girls book, de la cultures à l'aspartame
Ronald Reagan et la dynastie Bush
Kentucky Fried Chicken & Pizza Hut, MacDonald-MacDonald
tout il est beau il est gentil il est incroyable, sauf quand on décide qu'en fin de compte, c'est moche, débile, idiot, insupportable et donc à jeter, parce que...
... s'il y en a trop, on jette / s'il y en a pas assez, on achète.
plus de bruit qu'un car de touristes franchouillards, en fin de compte
une communauté qui laisse le portail grand ouvert, mais ne pense pas à la porte d'entrée
des drama & romances qui éclosent à partir de rien, et fânent vite
des hyperboles gonflées à l'hélium

LOIN, en fait.

Alors, c'est fatiguant, des fois, de vivre avec des Etats Unis comme voisines, toute gentilles et polies qu'elles fussent. Et ça fait revoir le croquis mental qu'on avait du pays, changer quelques lignes, en retracer de nouvelles, accepter d'y incoporer quelques clichés qu'on croyaient pourtant éculés. On se dit que, peut-être, le choc culturel, ça existe vraiment, en fin de compte... que les stéréotypes ont pas toujours tout faux... qu'on avait juste laissé son imagination s'égarer... et qu'elle s'était bien plantée...

Parce que moi, je croyais (et j'aimerais bien continuer à pouvoir croire) que les Etats-Unis, c'était...

le pays des romans individuels, des épopées industrielles, des sagas hobo-esques, des errances infinies et insouciantes, des perdants magnifiques, des rêves qui explosent en plein vol et s'éparpillent en feu d'artifices à travers les cieux
Bob Dylan, Tom Waits, Louis Armstrong, Johnny Cash, Miles Davis, Bruce Springsteen, Billie Holiday, l'hôpital Saint James et l'hôtel Chelsea
les contre cultures éphèmères - les coalitions de réfractaires
Woody Allen / Woody Guthrie
le confort d'une chanson mélancolique et feutrée comme la neige qui réchauffe un matin d'hiver et rafraichit un soir d'été - Bright Eyes, M. Ward, My Morning Jacket, The Postal Service, les songwriters new-yorkais
Thomas Jefferson, Martin Luther King, Barack Obama
un café à Seattle, un bourbon à la Nouvelle Orléans
une cohorte d'écrivains qui font ployer les étagères loin des frontière américaines, de Dos Pasos à Paul Auster en passant par Kerouac, Bradbury, Vonnegut, Bukowski.
les grandes étendues de natures qui noient les fourmillères urbaines
le géant de Big Fish qui se promène à travers les rues de Riddle, Mississippi au son de Stuck Inside of Mobile with the Memphis Blues Again
les vallées de silicone construites dans les vestiges de vallées de roc et de poussière
le Mexique à côté de l'Italie à côté de la Chine à côté de la Russie à côté de l'Irlande à côté des Caraïbes

... et toute une série de fantasmes du même genre, probablement aussi stéréotypés que la première énumération, d'ailleurs.
Heureusement pour mon imagination toute inquiète de s'être si dramatiquement fourvoyée (et pour les Etats-Unis, aussi), il n'y a pas que des clones de mes colocs chez les Américains importés en Ecosse, et il y a donc aussi des gens pour sauver mes élucubrations sur le compte de leur pays. Ils/elles sont plus rares (et, en général, ils/elles viennent du Midwest - bon, personne de la Côte Ouest ni de la Nouvelle-Angleterre dans les parages, non plus, faut dire), mais aussi plus facile à trouver, parce qu'en général, ce sont ceux qu'on voit se mélanger aux Européens.

En attendant, heureusement pour moi qu'il y en a, parce qu'il paraît que j'ai une tête de Nord-Américaine, à en juger par l'air tout surpris de la jeune fille qui est venue me demander "Are you from the US or Canada?" la semaine dernière, quand je lui ai répondu que non, j'étais Française, pourquoi, j'avais l'air?... Notez que sur cette réponse, elle s'est empressée de passer son chemin et d'aller voir ailleurs si elle y était.