lundi 9 juin 2008

Bringing it all back home.

Un jour, tout le monde s'en est allé. Alors, il a bien fallu s'en aller aussi. Et même si ça faisait une bonne dizaine de jours que le refrain "That's so weird" résonnait dans tous les coins, personne n'y était vraiment préparé.
Personne, surtout pas moi, ni Barbara d'ailleurs, qui avons poussé le vice jusqu'à réserver nos billets de retour moins d'une semaine avant le retour en question (après avoir passé trois semaines à repousser l'échéance, la procrastination étant un art qui se travaille). Pourtant les gens partaient petit à petit, au compte goutte, d'abord Simon-le-Chicagoan, qui s'est envolé trois semaines avant tout le monde, ensuite Jordi-le-Catalan, qui a pris la route fin mai, puis Megan qui était partie d'Atlanta en janvier et a quitté notre appart' pour Raleigh où sa famille a déménagé entre temps, et sûrement plein d'autres que j'oublie. Mais tant qu'on est encore là... on est encore là. Jusqu'à ce qu'on n'y soit plus, parce qu'on n'a pas réussi à oublier qu'il fallait rendre les chambres le 7 juin, 10h, au plus tard (gageons que le campus ne nous aurait pas laissé l'oublier, de toute façon).

Alors il faut ranger, aspirer, nettoyer, remettre les meubles à leur place de départ, déshabiller les murs, vider les placards, piller les frigo, dépouiller les réfrigérateurs, gaver gaver gaver gaver les valises. Et puis amonceller les sac poubelles, bourrés à craquer de tout ce que les valises refusent d'avaler, c'est-à-dire beaucoup de choses ; d'ailleurs, tout d'un coup, une zone d'ombre a été levée sur le mystérieux comportement de la femme de ménage.

*** Tiens, je vais en profiter pour faire une petite digression sur la femme de ménage. Enfin, la Cleaning Lady, avec des majuscules s'il-vous-plaît ! La Cleaning Lady est une petite femme toute menue, plus toute jeune mais pas encore trop veille, aux cheveux blondasses coupés courts et vêtue d'un uniforme bleu marine de cleaning lady. Tous les mercredi matins, juste après le (toujours, même après 8 mois) terrifiant test-alarme-incendie de 10 secondes, elle vient "nettoyer" la cuisine, les toilettes, la salle de bain et les escaliers. Alors, elle nettoie, oui, bien sûr, la preuve, ça pue l'eau de javel (et la cigarette, aussi) à 300m à la ronde après son départ. Mais elle nettoie à sa façon c'est-à-dire qu'elle amène son balais et son seau, et puis elle amène son journal, et son paquet de cigarettes, et elle commence par s'asseoir dans les escalier, poser son balais et son seau sur une marche, et fumer une première cigarette. Si on passe, elle se pousse un peu pour laisser la place, elle dit gentiment et avec un grand sourire "Hi there dear how's't goin'" (à peu près), et voilà. Parce qu'elle ne peut pas vraiment fumer dans les appart', vous comprenez, les détecteurs de fumée, tout ça. Mais comme les marches, c'est moyennement confortable, elle fini par se rendre dans l'appart, et s'asseoir dans le canapé pour lire son journal. Bien sûr, si quelqu'un rentre dans la pièce à ce moment, elle se lêve et s'empresse de commencer à nettoyer, en engageant très gentiment et avec un grand sourire la conversation (malheureusement, comprendre la Cleaning Lady est un art délicat, que 8 mois ne suffisent guère à maîtriser ; les conversations sont donc souvent assez brêves et confuses). Une fois qu'elle a fini de nettoyer la cuisine (qui n'est vaiment propre que parce que quelqu'un a déjà passé le balais la veille au soir), elle passe aux toilettes, puis à la salle de bain, et finalement, s'en va. Parfois s'ensuit une perplexité chez les locataires de l'appart' : mais, qui donc est sous la douche, puisque nous sommes toutes là? Réponse, vous l'aurez deviné, personne, la Cleaning Lady a juste oublié de fermer le robinet.
Chaque semaine, elle laisse une trace de son passage. Un cadeau, en quelque sorte, même si c'est toujours le même : deux feuilles de papier aluminium pour le grill, et 8 sacs poubelles. Sachant qu'on en utilise en moyenne 3 ou 4 par semaine, je vous laisse calculer le nombre de sac poubelle dans nle palacard sous l'évier à la fin de l'année. Fin de la digression, car sur ce... ***

Nous avons donc compris pourquoi la femme de ménage laissait autant de sacs poubelle chaque semaine : elle savait qu'à un moment donné, nous aurions besoin de très largement dépasser notre consommation moyenne habituelle de sacs poubelles, parce que nous aurions beaucoup, beaucoup à jeter. Elle avait raison (même si elle l'a pas fait exprès, mais ça, Dieu seul le sait, et encore, c'est même pas sûr), et au moins, nous avons éviter le stress de la pénurie de sacs poubelle. Faut dire qu'on n'en avait pas besoin. Par contre, les trois survivantes que nous étions ont eu besoin d'un pack de glace Bohemian Raspberry de chez Ben & Jerry, de deux bouteilles de vin blanc et d'une de Corona comme anesthésiants pour venir à bout de cette orgie de balançage de 8 mois de vie dans des valises et/ou des poubelles. Précisons que Barbara et moi n'avons rien trouvé de mieux à faire pour occuper la moitié de la soirée, que de peindre une assiette et de discuter politique et philosophie au milieu des débris de cette hécatombe de souvenirs. (Eva, elle, est restée un peu plus maîtresse de ses sens, et s'est contentée pour l'essentiel de nous regarder, amusée, en se disant sans doute qu'elle ne retrouverait pas de sitôt des colocataires de ce genre, ne serait-ce que parce qu'elle n'a pas prévu de se remettre en colocation. Et puis aussi, Eva devait quitter l'appart à 3h30, pour prendre un avion qui décollait à 6h15, elle avait donc beaucoup moins de temps. Même si ce n'est pas la peine de faire semblant, elle est organisationellement beaucoup moins catastrophique que Barbara et moi, c'est certain).

Le lendemain matin, par contre, comme le vin blanc, la Corona et la glace s'étaient définitivement évaporé, était beaucoup moins drôle, parce qu'il ne restait plus que quelques bols entassés sur la table du salon, deux ou trois tasses restées ici histoire qu'on puisse boire un dernier thé avant le départ, et des sacs poubelles gisant à côté des valises - enfin bouclées- dans le couloir. Et Barbara encore ensommeillée, sur le point de se retrouver seule locataire de l'appartement déserté (première arrivée, dernière partie, même si juste à quelques heures prês les deux fois). Les flashbacks se bousculent, mais pas le temps pour eux, au-revoirs (pas trop longs, parce que mince, les au-revoirs, c'est jamais qu'une formalité - difficilement contournable - mais immanquablement douloureuse), "See you in Mongolia - no, I'll see you before that anyway! ", et balabambam les bagages dégringolent maladroitement les escaliers. [Ils étaient VRAIMENT trop lourds.]




Silence
VLADIMIR. - Ca a fait passer le temps.
ESTRAGON. - Il serait passé sans ça.
VLADIMIR. - Oui. Mais moins vite.

Un temps
ESTRAGON. - Qu'est-ce qu'on fait maintenant?
VLADIMIR. - Je ne sais pas.

- Samuel Beckett.

jeudi 29 mai 2008

I was tagged by Keisuke !

Je vous présente Keisuke Nakamura, amateur de kebab, organisateur occasionel de dîners multi-nationaux, et surtout photographe officieusement officiel des soirées estudiantines internationales de l'Université de Strathclyde de son état.


Keisuke Nakamura est Japonais, évidemment. Il est d'ailleurs le seul Japonais à étudier à Stratchlude cette année (ou alors, les autres s'il y en a sont extrêmement discrets), alors, il déploie tout ses efforts pour que son pays soit représenté à la mesure des autres. Pas facile, quand on doit être aussi présent à soi tout seul que, mettons, une cinquantaine de Français, autant de Chinois, une poignée de dizaines d'Espagnols, des grappes de Malaysiens, une vingtaine d'Américains et leur pendant Canadiens, une quinzaine d'Italiens, cinq représentants de chaque nation Scandinave, et j'en passe. Même les Luxembourgeois ont plus de représentants à Glasgow que le Japon, c'est dire. Impossible, même, me direz-vous? Que nenni ! Keisuke Nakamura relève tous les défis, voyons.

Et tout le monde connaît Keisuke Nakamura, sa dégaine de pantin dansant, son enthousiasme inextinguible, et, évidemment bien sûr par-dessus tout, son appareil photo. Tout le monde aime Keisuke Nakamura, parce que, ben, parce que, c'est pas facile de trouver une raison de ne pas aimer Keisuke Nakamura, qui en plus d'être toujours souriant, dynamique et sautillant, est aussi incroyablement généreux et hospitalier. Et aussi, probablement, un peu fou - mais d'une bonne folie. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que le Japon a trouvé un ambassadeur parfait.

Bon, il est vrai que cet ambassadeur ne fait pas grand chose pour arranger la réputation de photographes compulsifs qui colle à la peau des Japonais. Je ne me rappelle plus du nombre exact de photo qu'il a pris depuis son arrivée à Glasgow en Septembre (et, de toute façon, mon chiffre date d'au moins deux mois, autant dire qu'il est complètement périmé), mais ça se compte en dizaines de millier. Au moins. Voir Keisuke Nakamura sans son appareil phot à la mains est rare, et ne peut signifie que quatres choses : quelqu'un d'autre est en train de prendre la photo, Keisuke est occupé à cuisiner du wasabi ou des sushis pour quelques dizaines d'invités, Keisuke mange un Kebab d'après-soirée chez Best-Kebab (le rendez-vous glauqe des étudiants sortant des clubs à 3h du mat'), ou Keisuke charge les photos de la soirée précédentes sur Facebook (ce machin est devenu le centre de gravité de la vie des étudiants en transit, à un point que c'en est inquiétant, mais là n'est pas le sujet), et ajoute patiemment les noms de toutes les personnes présentes sur chaque photo.

C'est pour ça que Keisuke Nakamura a besoin de connaître tout le monde : il a besoin de tous les noms, pour pouvoir documenter toutes ses photos avec précision. Toutes, hein. Même ça :



(oui, quand je vous dis qu'il est sans doute un peu fou... )

Il ne fait pas non plus grand chose pour débarrasser les Nippons de leur réputation d'extrême politesse, tant il remercie tout le monde pour tout ; merci de venir à ma fête, merci de prendre cete photo pour moi pour que je puisse être dessus, merci de m'envoyer un message, merci de me remercier ! (et, entendez bien que je ne m'en plains absolument pas. Au contraire, je ne vois pas pourquoi il ne faudra pas que les Nippons conservent et soignent cette réputation.) Qui voulait une preuve que les Japonais ne sont pas perfectionnistes sera aussi déçu, tant tout ce qu'il organise doit l'être à la perfection, et de façon on ne pleu plus claire, précise et détaillée. Et qui pensais que les Japonais n'étaient pas hospitaliers ne trouvera pas de quoi étayer sa thèse ici, parce que non seulement, Keisuke n'aime rien tant qu'inviter les gens chez lui, mais en plus il a toujours deux ou trois bricoles à leur offrir en signe d'amitié. Une pièce de 5 yens par-ci, des baguettes en laque par-là. Et Auld Lang Syne joué sur une flûte de cornemuse en guise d'Adieu(ou, plutôt, d'Au-revoir, d'ailleurs, Auld Lang Syne, en Français, ça se dit Ce n'est qu'un Au-revoir, alors...).

Sinon, Keisuke Nakamura aime Material Girl de Madonna.

Bon, et puis, un jour, dans quelques années, sans doute, il y aura des gens qui seront moins contents qu'ils le sont aujourd'hui que toutes leurs soirées de débauche éthylée aient été documentées et que toutes les photos compromettantes aient été mises sur Internet, avec leur nom dessus. Et alors seulement, sans doute se trouvera-t-il une poignée de personnes pour détester Keisuke Nakamura... ou en tout cas, pour ne plus être si fiers d'avoir été "taggés par Keisuke".


dimanche 4 mai 2008

Des îles (hommage à Caledonian MacBrayne)



L'Ecosse est un pays très aqueux, et pas uniquement parce qu'il y pleut beaucoup et que la pluie abondante abreuve les torrents et cascades qui dévalent les collines et imbibe la terre et la tourbe, transformant les landes désolés en marécages spongieux. C'est aussi un pays déchiqueté, morcelé par des rivières, des lacs, des embouchures de rivières qui s'entremèlent et brouillent la frontière entre la terre et la mer. Toute la côté Ouest n'est qu'un agrégat de lambeaux de terre, qui ne tiennent qu'à un fil au "mainland" quand du moins ils y sont rattachés. 790 îles, dit Wikipedia. Oui, ça fait beaucoup... Skye, Rum, Mull, Sanday, Harris, Arran, Yell, Cumbrae, Eigg, Benbecula, Alisa Craigg, Barra, St. Kilda, Flodaigh, Foula, Gairsay, Isle of Ewe, Jura, Shetland, Orkney, Hebrides.... Beaucoup, je vous dit, et avec des noms qui n'ont rien à envier à ceux des gares écossaises.
On pourrait se lancer le défi insensé de les visiter toutes, mais je pense qu'il faudrait rester plus de 8 mois (en fait, plus de deux ans, si on compte une île par jour...). Donc, j'ai été plus raisonnable (snif snif), et j'ai fait avec ce que j'avais, c'est-à-dire que j'ai posé le pied sur quelques unes, à des endroits différents, et que mon palmarès, il faut bien l'avouer, fait pâle figure à côté de la liste interminable de toutes les îles : Bute, Arran, Lewis, Harris, Bernaray, North Huist, Skye, et... j'ai bien peur que la liste s'arrête là, pour l'instant du moins.

Pour atteindre ces îles, plus ou moins reculées (la distance entre Stornoway, la plus grande ville des Hébrides Extérieures, et la côte britannique est facilement deux fois plus longue que celle qui sépare Calais de Douvre), même si parfois on peut utiliser des ponts, comme le fameux pont de Kyle of Lochasch qui permet de rouler jusqu'à Skye (et qui était célèbre pour son péage prohibitif avant que celui-ci ne soit supprimé), il faut généralement renoncé aux méthodes de transports habituelles. Ou vraiment beaucoup aimer les marathons de natation dans l'eau glacée, c'est selon. Heureusement...

The Earth belongs unto the Lord
And all that it contains
Except the Kyles and the Western Isles
And they are all MacBrayne's

Heureusement, il y a Caledonian MacBrayne's ! Fondée en 1851, la compagnie possède 29 ferries et un monopole de fait sur le transport maritime en Ecosse (merci Aidepikiw)... et elle s'avère au moins aussi utilie que Citylink (bus) ou Scotrail (train), tant et si bien que quiconque a un peu bourlingué à travers l'Ecosse ne peut frémir avec nostalgie au passage d'un de ces mastodontes de métal peints en noir et blanc et à la cheminée décorée du blason rouge et or de la compagnie... (comment ça, j'en fais un peu trop?) En plus, les ferries sont sacrément confortables. Que demande le peuple...

Grâce à Caledonian MacBrayne, par exemple, j'ai vu ça :

et aussi ça :

et puis ça :

et ça :


et enfin ça :

(Oui, on pense aux Highlands quand on pense au paysages écossais, mais les Islands sont au moins autant superbement fascinantes : les pâturages de Bute, où, fait rare, on voit paître des vaches noires et blanches (et pô rousses !!), les landes sauvages et désolées qui bordent les magnifiques plages blanches et turquoises des Hébrides extérieurs, les massifs enneigés de Skye, les monolithes d'Arran, et toujours les vagues qui s'écrasent sur les récif ou au pied des falaises)

Il faudra que j'aille jeter un oeil aux Shetland, complètement isolées à des kilomètres de la pointe nord est de l'Ecosse, pour pouvoir dire que j'ai vraiment vu le bout du monde, mais en terme de bout du monde, Lewis, Harris et Bernaray (les Hébrides extérieures donc) se défendent mieux que bien. Si vous suivez un peu, vous savez que j'y suis allée pour quelques jours, parce que je l'ai évoqué plus haut, enfin, plus bas, bref, dans un message précédent de ce foutu blog. Et si vous suivez pas c'est pas grave (enfin, si, c'est très grave, d'ailleurs je suis diablement vexée, non mais, vous n'avez pas honte???), puisque je vous le répète ici. Je m'en vais vous raconter ça un peu plus en détail, puisqu'il faut choisir, même si choisir exige de renoncer à déblatérer sur la chaise-sur-un-rocher-face-à-la-mer de l'île d'Arran, sur laquelle on peut s'asseoir pour contempler la Mull of Kintyre en pensant à McCartney qui lui a écrit une chanson, ou sur les splendeurs victoriennes du manoir de Mount Stuart sur Bute, gâchées par le débit monocorde d'une guide qui fait comprendre d'où sorte les histoires de fantômes écossais (je suis sûre que c'est un fantôme, cette bonne femme, on jurerait qu'elle est morte, en tout cas endormi, et que sa bouche continue simplement à répéter les mots qu'elle a prononcé plusieurs fois chaque jour depuis.... depuis... depuis que la bâtisse est ouverte au public.)

Mais d'abord:

J'ai posé le décor, à peu près.

Les personnages, maintenant. Une (pas si?) fière équipée de six exilés, représentants trois continents ; Bruce & Elmer, Chine, pour l'Asie ; Michael (Indiana, US) & Barbara (Canada) pour l'Amérique, section boréale ; Morgane & moi-même, France, pour l'Europe.

Histoire de préciser la géographie et de définir l'itinéraire :

Tout commence à Ullapool, encore sur le mainland. De là, Ferry I nous conduira à Stornoway sur Lewis en 2h45. Puis, de Stornoway, les bus nous feront traverser l'île de Lewis pour aller admirer les Pierres de Callanish et les collines qui bordent la côte. Ils nous emmèneront plus tard sur Harris, où nos pieds termineront le boulot en nous faisant traverser les paysages lunaires qui nous séparent de Tarbert. Le périple longe ensuite la côte du sud d'Harris pour admirer Luskentyre et les autres plages intouchées de l'îles (qui feraient verdir d'envie les Caraïbes, si si, j'en suis sûre). Finalement, Ferry II nous transporte sur Berneray, tout petit bout d'île balayé par le vent où nous aurions bien passé le reste de nos jours, dans la chaumière blanche à cinq mètres de la plage et avec pour seule voisine une ruine éventrée où les meublex rouillent et grincent tristement. Mais Ferry III ne l'entend pas de cette oreille, et nous capture à Lochmaddy pour nous transférer à Uig, sur Skye, où un car nous attend pour nous ramener en 7h (arg) dans la grisaille, le béton et la vapeur urbaine de Glasgow. Et le retour sur terre... c'est pas facile....

vendredi 2 mai 2008

Praha (mercredi)

Dernier jour sur le territoire Tchèque, le mercredi commence - début de routine? - comme les deux jours précédents... Martina partie aux aurores, petits déjeuner dans la maison silencieuse, trajet jusquà l'arrêt de bus, dobrydenjedenlistekzatricetdvakronyprosim, Zlicin, métro, centre-ville. Il fait encore beau (encore plus beau que la veille, si c'est possible), je pars à la recherche de cartes postales, que je trouve dans une petite galerie qui exposent des photos datant de la seconde guerre mondiale, à l'époque où le gouvernement tchécoslovaque était réfugié en Grande-Bretagne. Je vais les écrire, si, si, c'est vrai. Par contre, hum, la mission "trouver des timbres avant de devoir s'enfuir vers l'aéroport" va lamentablement échouer, donc, hum, comme c'est étonnant venant de moi, elles ne partiront pas de Prague, ahem. On se refait pas. C'est comme ça. Encore une fois, rendez-vous avec Martina, deux heures plus tôt que la veille où le rendez-vous avait déjà été deux heures plus tôt que l'avant-veille (qu'aurait-on fait si j'étais resté deux jours de plus?), pour un repas d'adieu dans une pizzeria.

(D'ailleurs, en parlant de pizza, parenthèse inintéressante, mais.
A force de fréquenter des nords-américains, j'apprend des bribes de culture venu de l'autre bord de l'océan. Pas forcément les références les plus intellectuellement reconnues, mais c'est néanmoins rigolo. Enfin, bref, toujours est-il que ces élucubrations pseudo-anthropologico-culturo-whatever mises à part, Barbara a une passion pour les chansons pour gamins, plus ou moins intelligentes, et parmis les moins intelligentes à son répertoire, il y a ce "Kentucky-Fried-Chicken/Pizza-Hut, Mac-Dooonald, Mac-Dooonald" qui a le mérite de provoquer des fou-rire dès lors que les trois fast foods sont groupés à un même coin de rue (ce qui est fréquent à Glasgow). Mais à Prague, on peut pas la chanter, parce que si des KFC et des McDo, il y en a, nulle trace de Pizza Hut! Explication glanée au hasard d'une conversation surprise au détour d'une rue: Pizza Hut a bien essayé de s'implanter à Prague, mais voilà, les Praguois connaissaient déjà la pizza italienne, met oh combien plus délicat que son ersatz américain épais et huileux. En plus de ça, la pizza italienne n'y était pas très chère, alors que Pizza Hut, en tant que chaîne, avait des prix relativement plus élevé. Alors les Praguois, qui sont des gens plein de bon sens, ne se sont pas donné la peine d'aller se goinfrer et s'engraisser à plus haut coût et moindre qualité. Du coup, Pizza Hut a périclité. Bien fait pour leur poire est-on tenté de dire.
Fin de la parenthèse inintéressante. )

Après la pizza-italienne donc bien que tchèque, et après les adieux à Martina (qui ne furent que des au-revoir, chantons un peu sur l'air d'Auld Lang Syne, ou pas), adieux à Prague... qui exigent une escalade des jardins de Letna, pur aller voir le métronome géant qui trône au sommet de la colline, et aussi admirer la Vtlava et ses ponts de haut une dernière fois, puis un passage devant le Parlement, c'est la moindre des choses. Et pi, ben, direction l'aéroport, sans timbres, comme dit ci-avant, attente, avion, atterrisage à Paris...........................

jeudi 1 mai 2008

Praha (mardi)

Le mardi, et c'est pas bien étonnant, Martina a encore cours jusqu'en début d'après-midi. La journée commence donc à peu près pareil que la précédente, à ceci près que, 1) cette fois, il ne pleut pas, au contraire, il fait même superbement beau, 2) je sais quel bus prendre, et que le conducteur comprendra ma seule phrase approximative en Tchèque (d'autant plus que Martina, impressionnée, me l'a fait répéter à tout le monde la vieille histoire de prouver son talent de professeur de langue), 3) j'ai étudié la carte de la ville, et j'ai une idée un peu plus claire de ce que je veux voir et de comment m'y prendre pour aller le voir.

Profitons du soleil, qui a bien fait de se pointer vu que, ben, n'oublions pas que le pauvre parapluie violet a succombé dans une bourrasque la vieille
(qu'il soit violet, vous vous en foutez sans doute, mais moi je dis que ça n'ajoute qu'à ses qualités, alors, c'est triste.), et qu'en plus j'ai pas envie de voir que les musées. Objectifs pour m'occuper jusqu'à 14h, puisque cette fois-ci j'en ai : descendre du métro à Narodni Tridna, traverser la rivière en passant devant le Théâtre National (Narodni Divadlo, je crois avoir compris que "narodni" signifie "national), et, de l'autre côté, escalader la colline Petrin avant d'aller errer quelque part entre les ruelles pavées de la Mala Strana et les synagogues du quartier juif.

La colline Petrin, comme son nom semble l'indiquer, est une des (oh combien! ) nombreuses collines de Prague. Car Prague a beau être réputée pour la centaine de tours, clochers et autres beffrois qui l'hérissent, elle est aussi sacrément cabossée par une belle quantité de collines et autres monticules, qui font passer Glasgow-la-vallonée pour le plat pays (si, si, j'exagère à peine). Je ne me plains pas, six mois à habiter au sommet d'une colline m'ont habituée aux montées (et aux descentes), et les efforts payent, parce qu'on a une belle vue d'en haut... sur les tours, les clochers, les beffrois, les autres collines, le point d'interrogation de la rivière qui serpente entre les ponts.
Petrin, colline du jour, après celle du chateau (samedi), celle de Vyserhad (lundi), et avant celle de Letna (mercredi) [ouf, mes mains ont eu du mal à se réfréner de taper "l'Etna", ce qui géographiquement n'aurait pas été très correct, non mais, en plus d'être sacrément plus dangereux. Et sans doute plus haut. Y a pas de volcans à Prague à ma connaissance -certes relativement limitée, mais quand même.]

En bas, là où elle touche encore la ville et les rives de la Vtlava, se dresse le mémorial aux victimes du communisme, dédié à tout ceux qui ont vu leur vie délabrée ou amochée d'une façon ou d'une autre par le régime dictatorial : une procession de statues identiques, à ceci près que chacune est un peu plus en lambeaux que celle qu'elle suit, perdant un bras, une jambe, un morceau de tronc... Oui, les Tchèques n'aiment pas des masses le communisme, même s'ils ne se cachent pas de l'avoir laisser fermenter sur le territoire, et ils laissent les traces mélancoliques et soulagées, mais jamais haineuses ni amères, de ceux qui sont conscients de s'être fourvoyés mais d'avoir finalement retrouver leur chemin - et ne veulent pas oublier l'égarement pour autant.


En haut, ou plutôt, quand on monte un peu, il y a des oiseaux qui chantent, des vergers de pommiers en fleurs [là, mon clavier a tapé "en pleurs", allez comprendre...], des chemins qui louvoient le lond des flancs de la collines, et une inondation de lumière. Pas très loin (sur la colline d'à-côté, en fait), on voit la foule qui se masse aux abords du chateau et les touches de couleurs chaudes des maison de la vieilles ville - rouges pâles, jaunes dorés, ocres, roses fânés. Surtout, on entend la musique de la capitale : le chant des oiseaux printaniers, le tintement des cloches des innombrables tourelles qui se donnent le relais pour sonner les douzes coups de midi, la fanfare du chateau.

Ensuite, je profite des un-peu-moins-de-deux-heures qu'il me reste avant de retrouver Martina pour redescendre du jardin et errer plus ou moins au hasard dans la ville, dans les ruelles pavée désertes qui débouchent sur des avenues fourmillantes de touristes, de bureaux de change et d'étals de souvenirs (étrange à quel point les touristes se massent systématiquement en quelques point très précis, laissant de vastes pans de villes entièrement et mystérieusement vides). Je traverse Mala Strana, découvrant une à une les ambassades, à la recherche du "Lennon Wall" (gigantesque palimpseste mural, oui j'avais juste envie de caser le mot "palimpseste", est-ce un mal?) histoire de faire semblant d'avoir un but - d'ailleurs, il est juste en face de l'Ambassade de France, hahaha.


Ensuite, je traverse le Karlov Most, parce que, quand même, je suis une touriste, faut assumer, mais il est toujours plus beau de loin, de haut ou en photo, hélàs; de l'autre côté, je me perd encore un peu dans ma quête des milles synagogues (j'exagère, il y en a un peu moins que mille), je tombe finalement sur une statue kafkaesque de Kafka, pour finalement me ruerdans une patisserie et expérimenter au moins une des milles différentes briohces qui s'entassent dans la boutique (hmmmm), et puis, il est temps de retrouver le métro (qui a filé loin de mon chemin, le bougre), et Martina.

Cette fois, elle m'emmène dans un jardin au pied du château. Désert, parce que selon la mystérieuse loi de répartition des touristes (qui va décidemment à l'encontre de tout les principes d'entropie), les curieux se massent dans le château, pas autour, en dessous, derrière ou devant! Désert, mais (ou plutôt, donc) extrêmement calme et agréable... Puis elle m'emmène vers le centre de la ville, retrouver une amie à elle qui, après un semestre d'Erasmus à Lyon, parle Français (même si, en fait, les quelques mots qu'on échangera en français sonneront affreusement faux, les miens peut-être encore plus que les siens, allez comprendre...), et aussi, goûter la bière brune Tchèque (plus douce et sucrés que la blonde, mais pas moins bonne), la bière mélangée Tchèque (demi-brune, demi-blonde, donc rousse?), les pickles de camembert Tchèques.... et enfin, escalader une autre colline, au sommet de laquelle trône la statue soviétique et massive d'un monsieur dont j'ai oublié le nom et les exploits mais qui fut chevalier défenseur de sa patrie, ou quelque chose d'approchant.
Lui, là :


jeudi 24 avril 2008

Praha (lundi)

Lundi, par contre, sera assez épique. Martina a cours de 9h à 16h... je vais donc me retrouver en tête-à-tête avec la République Tchèque pour quelques heures, armée d'une carte de Prague (et d'un petit guide, sait-on jamais), d'un parapluie, et d'un bout de papier sur lequel Martina m'a écrit le sésame de tout adepte des transports en commun, la formule magique qui permet d'acheter un ticket de bus au conducteur.

Dobry den, jeden listek za tricetdva krony, prosim.

Dobry den, jeden listek za tricetdva krony, prosim.

Dobry den, jeden listek za tricetdva krony, prosim.

(il a fallu que je me le répète mentalement plusieurs fois avant de me diriger vers le bus. Mais ça a marché, je m'en souviens maintenant.)



Ben prendre le bus dans une petite ville de la banlieue Praguoise, quand on connaît (1, 2, 3... 8), 8 mots en Tchèque plus le nom de l'arrêt où on doit descendre, c'est pas si facile. Surtout quand on est pas douée et qu'on s'emmêle les pinceaux dans les horaires, qu'on arrive une demi-heure avant le bus, qu'on essaye de prendre celui qui va dans la mauvaise direction, même si un gentil monsieur est venu nous expliquer que c'était la mauvaise direction, mais comme il paralit tchèque, on n'est pas sûr d'avoir compris, et que pour couronner le tout, il pleut sans discontinuer. MAIS - mais, j'ai fini par y arriver, et me retrouver frigorifier dans le centre de Prague, où il pleut toujours autant, d'ailleurs.

Le petit papier laissé par Martina a accompli sa mission; le parapluie aussi, mais la sienne n'est pas encore achevée. C'est au tour de la carte d'intervenir, mais de toute façon je n'ai pas *vraiment* envie de m'en servir trop, parce que j'ai FROID, et il PLEUT, et dans ce cas, on n'erre pas dans une ville en flânant, on cherche un endroit abrité où se réfugier.
... il se trouve que l'endroit le plus proche pour s'abriter (enfin, le premier que je trouve) qui soit un peu plus vaste qu'un disquaire est le Narodni Muzeum (Musée National, géologie, zoologie, anthropologique, etc, ce genre de trucs), qui, oh miracle, est gratuit le premier lundi de chaque mois, m'a dit mon guide (même si je préférais mon explication, selon laquelle le musée avait été gratuit parce qu'il était gratuit les jours de pluie, ce qui par ailleurs aurait expliqué la gratuité permanente des musées écossais, mais, non.)
Comble de l'ironie pour mes pieds frigorifiés en voie de glaciation, il y a une exposition temporaire sur... les pieds. Ou comment réunir des objets qui n'ont ABSOLUMENT rien en commun, à part, euh, d'avoir de près ou de loin trait à la podologie/graphie/morphie. Bon et puis il y a une tête de mammouth empaillée (sans le corps hélàs) (pas dans l'expo sur les pieds, hein, rien à voir!), donc je suis heureuse.



Ensuite, il pleut toujours, donc, second refuge, un café. Et ensuite, il pleut toujours, mais il faut que je songe à aller rejoindre le métro pour aller rejoindre Martina, alors, bravons les éléments, fidèle parapluie!

...

Le parapluie a succombé, affaibli par de durs mois de labeurs impitoyables sous la pluie battante et le vent infatigable de l'Ecosse. Paix à son âme. Il fut un bon et loyal serviteur.
[minute de silence]

...

[une minute plus tard]

Une fois Martina retrouvée, grâce à l'aide (chaotique) de la carte, heureusement, tout va redevenir simplement. Déjà, il faut dire, il ne pleut plus. Et aussi, Martina, elle, sait où elle va. Ca aide. (Elle va d'abord chez elle poser son ordinateur portable et dîner, mais c'est assez peu intéressant dans cette affaire).
Moi, par contre, je ne sais pas trop où elle va, mais je la suis. C'est comme ça que je me retrouve dans un parc en haut de la colline de Vysehrad, de nuit, à surplomber Prague sous la clarté de la Lune, avec les ombres des ruines d'un vieux château et d'un cathédrale encore entière derrière moi. (et que je me dis que mieux vaut parfois suivre le sgens qui savent où ils vont, mais quand on ne sait pas soi-même où c'est, que se paumer en errant)

Quelques trajet en tram plus tard, je me retrouve à l'autre bout de Prague, et aussi à l'autre bout du nuancier des ambiances, dans un bar-repère-de-freaks-intoxiqués, où la bière n'est pas bonne (pourtant, la bière Tchèque, c'est bon), où la musique joue les apprentie en hypnose, mais où la décoration à elle seule justifie (et rentabilise) le déplacement... des vieux bouts de moteurs, des roues de tracteurs, des engrenages, des fonds de tiroir de quincaillers, des ampoules de couleurs ont été assemblés pour transforer le lieu en une gigantesque sculpture mécanique mouvante, clignotante, mutante. On s'assied dans des sièges piqués à un cadavre de bus, et, la bière aidant, on fini par se convaincre, que, si, cet endroit est parfaitement normal, même s'il semble défier toutes les lois de la physique et de l'habitude. Où je suis, je sais pas, mais, ouah. (oui, et ce matin, j'étais paumée sous la pluie à attendre un bus qui ne parlait pas ma langue.......)

Praha (dimanche)

Le dimanche, je n'ai pas vu Prague.



Martina profite de la voiture paternelle pour m'emmner au Chateau Konopiste, où, d'ailleurs, elle n'est jamais allés, et où il y a des ours qui gardent les douves (et y vivent - dans les douves, pas dans le château. Mais quand ils meurent, on les empaille, et on les installe dans une pièce du château. Du coup, les ours vivent presqu'enterrés, et doivent attendre d'être morts pour se voir octroyer une demeure au-dessus du sol. C'est comme ça.) Je n'ai pas compris grand chose à la visite guidée, parce que 24h ça ne m'a pas suffit à maîtriser le tchèque, même si Martina me traduit l'essentiel (par exemple, l'histoire des ours).

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Apparemment, le château date du XIIIe siècle, et est passé de familles nobles en familles nobles avant d'être acheté par l'Archiduc François Ferdinand (celui qui sera assassiné à Sarajevo-et-vous-connaissez-la-suite, et qui, quelques 80 ans plus tard, aura un cheval de course baptisé en son honneur, qu'une bande de jeunes Glaswegiens verra franchir la ligne d'arrivée avant de décider de nommer leur groupe de rock en son honneur-et-vous-connaissez-la-suite, qui n'est pas une guerre mais Take Me Out. Eux sont devenus riches, mais pas assez pour se payer un château en Bohème, ni pour se faire assassiner à Sarajevo d'ailleurs. C'est comme ça.)
Ah oui, et il est aussi réputé pour son impressionnante collection d'armes qui est, effectivement, impressionnante. Comment on peut avoir autant de pistolets, d'armures et de gourdins entreposés chez soi, et quand même réussir à se faire assassiner, ça me dépasse un peu, mais peut-être qu'il n'y avait pas encore tout ça du temps où des gens vivaient encore dans cette humble demeure.
Et puis il y a l'électricité (d'époque), et un ascenseur (d'époque), et des murs recouverts de trophées de chasses. Il y a aussi un "harem", surnommé ainsi pour sa décoration vaguement orientalo-arabisante. Bien sûr, c'était la seule pièce du château interdite aux hommes. (Na ! )



Après, Martina doit travailler, sa mère a préparer un dîner pour le soir, et, de toute façon, je suis encore un peu fatiguée... pas tellement plus de péripéties en ce jour du seigneur, du coup.